La division Laveaucoupet à Spicheren

6/8/1870



Carte tirée de l'ouvrage "Spicheren 1870" du Lieutenant colonel Maistre
Berger-Levrault - 1908


 

A l'aile droite française, la 3e division du général de Laveaucoupet est en charge de la défense des solides positions du Rother-Berg et du Gifert Wald.

Sylvain François Jules de Laveaucoupet,

Né le 28/4/1806 à StSulpices (Creuse).

Cet officier issu du corps de l'état major a servi en Algérie sous la monarchie de Juillet et s'y est distingué en emportant du champ de bataille le général Trezel, dont il était l'aide de camp, alors qu'il était grièvement blessé .
Durant la campagne d'Italie alors qu'il etait Général de Brigade il a été blessé à Turbigo, à Magenta et a eu deux chevaux tués sous lui à Solférino.

Promu Général de Division en 1868, il commande la 3e division du corps d'armée du général Frossard en 1870. Il est est fait Grand Croix de la légion d'Honneur après la bataille.

      

Le général aligne en première ligne le 10e bataillon de chasseurs (commandant Schenck) chargé de défendre l'éperon du Rother-Berg, appuyé par une section d'artillerie
Sa 2e brigade (général Micheler, 24e et 40e régiments d'infanterie) occupe la croupe boisée au nord du village de Spicheren
Sa 1ere brigade (général Doens, 2e et 63e régiments) en reserve au sud ouest de Spicheren.

La position va être attaquée par des forces prussiennes considérables, appuyées par une forte artillerie. Un combat terribe va alors s'engager sur les mamelons boisés, le général Laveaucoupet engageant successivement sa seconde brigade, puis sa première.


ENGAGEMENT DE LA 2e BRIGADE

La défense de l'éperon :

Rapport du 10e bataillon de chasseurs

Le 10e bataillon de chasseurs à pied, commandé par M. le commandant Schenck, a été engagé dès le commencement de l'action; une partie a été déployée en tirailleurs dans les bois situés à droite du village de Spicheren, une autre dans les tranchées-abri établies àl'avance; enfin, trois sections ont servi de soutien à l'artillerie;
le bataillon a maintenu ses positions aussi longtemps que possible; mais, attaqué de front par des forces supérieures, recevant en outre, sur les flancs, le feu de divers régiments de la division, il dut songer à la retraite; il avait, d'ailleurs, presque totalement épuisé ses munitions.
Dans cette journée, le bataillon a perdu 15 hommes tués, 73 blessés et 112 disparus; le corps d'officiers a été cruellement éprouvé: 2 ont été tués, 9 blessés; parmi ces derniers se trouve le commandant, dont on ignore la position.

      

Jean César Achille Schenck

"Les défenseurs de la tranchée n'y trouvent plus qu'une protection illusoire. Pendant une heure, le 10e bataillon de chasseurs se trouve sous la plus effrayante averse de projectiles que l'on puisse imaginer. Il tombe sur l'étroite crête du Rotheberg environ un obus par seconde, et la première tranchée n'est plus tenable. On ne voit rien, tellement la fumée est intense, mais chaque chasseur s'abrite le mieux qu'il peut, afin de tirer sur l'ennemi à la première éclaircie. Seul, le brave commandant Schenck dédaigne ce stratagème. Il reste debout sur son cheval, comme la statue du commandeur, les yeux braqués sur l'ennemi […] Tout en grimpant, les fantassins de von François ouvrent un feu des plus violents. Nos chasseurs du 10e bataillon répliquent aussitôt, et toute cette partie du champ de bataille se met à pétiller comme un feu d'artifice. Le commandant Schenck, à pied, car son cheval vient d'être tué par un obus, encourage ses hommes à tenir jusqu'au dernier : « Tenez bien, leur dit-il; que pas une balle ne soit perdue! Songez à notre honte si nous reculions devant ces ignobles Prussiens! » Aussi les cadavres germains s'amoncellent-ils sur le chemin qu'ils parcourent. Chasseurs et sapeurs du génie redoublent d'ardeur, et dans la furie du combat montent à découvert sur l'épaulement de la tranchée, pour mieux viser leurs ennemis. […] Le bataillon est cruellement décimé. Deux cent quinze chasseurs et sous-officiers sont mis hors de combat. Malheureusement de nouveaux bataillons arrivent sans cesse aux Allemands, et pour comble de malheur, il y a un instant où nos pauvres petits «vitriers» se trouvent sans munition. Les Prussiens s'en aperçoivent et poussent des hurlements de joie. Le feu de l'artillerie ennemie redouble. La poignée de nos chasseurs qui garde la tranchée, est aveuglée par la fumée des explosions et assourdie par les détonations des obus; elle ne voit pas la colonne d'assaut, qui débouche tout à coup sur eux et arrive en masse au pied de la tranchée. Là, ils sont reçus à l'arme blanche; un long cri vibre dans les rangs des chasseurs : « A la baïonnette! » Les armes de quelques-uns de ces derniers se brisent; alors la crosse du fusil sert de bélier. De temps en temps on entend la voix calme du commandant Schenck. Ce brave officier, toujours au plus épais du feu, encourage ses hommes de l'exemple; plusieurs fois, il décharge à bout portant son revolver, dont les balles trouent les rangs ennemis. On se bat corps à corps. Déjà il ne reste plus qu'une centaine de chasseurs à pied, quand plusieurs milliers de Prussiens escaladent la tranchée et entourent nos soldats. Ce serait folie de résister : il faut battre en retraite et s'ouvrir un passage de vive force. «En avant! mes enfants, crie le commandant Schenck, suivez-moi! » Et l'épée haute, il se rue sur la bande ennemie. Les chasseurs s'élancent à sa suite. Ce flux humain refoule les Allemands une première fois! Une nouvelle colonne ennemie accourt et barre le chemin. Le commandant Schenck tombe grièvement blessé, au milieu des casques à pointe. (Dick de Lonlay)".

Photo Mazeran (Saales)

Rapport du 15e régiment d'artillerie

Le 6 août, vers 9 h. 1/2, la batterie reçoit l'ordre de se porter à la rencontre des troupes prussiennes.
M. le capitaine commandant Béguin établit ses trois sections en batterie séparément, à peu de distance l'une de l'autre, sur les sommets escarpés qu'on nommait l'éperon, et qui dominent la vallée au Nord de Spicheren; la 3e section était un peu plus bas et sur la droite.
Le feu commença vers 11 heures; les lere et 2e sections, ayant eu beaucoup à souffrir du feu d'une batterie fixe et de deux batteries mobiles, furent obligées de quitter leurs positions en laissant deux caissons et vinrent se mettre en batterie l'une près de l'autre, à 400 mètres environ et 100 mètres à gauche du village de Spicheren. Le lieutenant en 1er Méert avait été blessé; un maréchal des logis, deux conducteurs et deux servants également; un brigadier et un conducteur tués, et six chevaux tués ou blessés très grièvement. Ces deux sections, auxquelles vient bientôt se joindre la 3e section de la 7e batterie du même régiment, continuèrent leur feu sous le commandement du capitaine Béguin qui, vers midi et demi, eut la jambe emportée par un obus.
Je pris alors, comme capitaine en 2e, le commandement de la batterie. Le feu, exécuté par les 1ere et 2e sections de la 8e et de la 3e section de la 7e batterie, continua contre les batteries prussiennes établies à environ 1800 mètres et contre des troupes d'infanterie placées à leur gauche, jusque vers 6 h. 1/2 du soir; pendant ce temps, la 3e section de la 8e batterie continuait à tirer contre les tirailleurs et les troupes d'infanterie sans avoir changé de position. Le tir, avec des fuséesfusantes, ne permettant pas de juger suffisamment de la distance et ne donnant de bons résultats que lorsqu'il a lieu aux distances correspondantes aux deux durées réglementaires, la plupart des obus ordinaires ont été tirés comme projectiles pleins, sansdéboucher les évents. On n'a tiré que quelques obus à balles pourflanquer l'infanterie qui était attaquée sur notre droite, et point deboîtes à mitraille, à cause de la distance.
Vers 6 h. 1/2, n'ayant plus qu'un obus ordinaire par pièce à tirer, je fis reculer ma batterie de 300 mètres environ pour la remettre en batterie sur le bord du plateau en arrière de Spicheren, et à côté de la 7e. batterie qui s'y trouvait. Celle-ci voulut bien me donner un de ses caissons de munitions, ce qui permit à la 8e batterie de pouvoir continuer son feu pendant une heure encore environ. La 3e section vint alors rejoindre les deux autres.
Nombre des morts, trois; M. le capitaine Béguin, mort des suites de sa blessure ; des blessés, sept; M. Méert, lieutenant en ler, contusionné à l'avant-bras. Chevaux tués, quatorze.

Lieutenant Méert
15e régiment d'artillerie
Blessé et promu chevalier de la Légion d'Honneur


Historique du 24e régiment d'infanterie

Les hauteurs de Winter et de Repperts, placées en face du Rother Berg se couvrent tout à coup d'une nombreuse artillerie qui ouvre le feu sur notre position. Depuis un moment déjà la fusillade se fait entendre vers notre droite, au nord des bois de Shifts dans lesquels vient de se jeter le 10e bataillon de chasseurs. Les bataillons du 24e laissant leurs sacs au camp, se portent en avant et prennent leurs postes de combat sur les crêtes : le 2e bataillon en bataille, à cheval sur la route de Spickeren à Sarrebruck, ayant derrière lui le 1er bataillon en colonne par peloton. Quant aux compagnies du 3e, elles se placent à la gauche du 2e, en arrière du ravin qui sépare les deux éperons.

Les officiers du 24e RI en 1868

Vers 10h, le colonel d'Arguesse reçoit l'ordre de se porter en avant pour défendre le plateau menacé par les colonnes prussiennes. Le régiment s'ébranle dans un ordre parfait, mais il n'est pas plutôt arrivé à l'éperon qu'une grêle de balles et d'obus sème la mort dans ses rangs. Le sous-lieutenant Oudin est atteint d'une balle dans la jambe gauche et pendant qu'on l'emporte à l'ambulance de Spickeren : " Vengez-moi ! " dit-il aux soldats en montrant l'ennemi. Un boulet emporte la tête du lieutenant Müller et beaucoup d'hommes sont frappés. Cependant les compagnies se forment en ligne : le 2e bataillon au centre et dans les tranchées établies pendant la nuit par le génie, le 3e bataillon à gauche et le 1er à droite, avec 4 compagnies en réserve se relie aux chasseurs et au 40e de ligne. On commence le fu à 800 mètres ; tout à coup à 200 mètres de la compagnie Leroy, qui vient de terminer la tranchée, apparaissent les schapskas des uhlans et les colbacks des hussards allemands. Nos soldats abandonnent leurs outils, saisissent leurs fusils et accueillent cette audacieuse cavalerie par un feu nourri qui la précipite en cinq minutes jusque dans les bois de Schoeuech. Mais l'infanterie prussienne s'avance de toutes parts dans les bas-fonds boisés et débouche avec une grande résolution. Malgré le feu épouvantable de nos chassepots, le 39e prussien gravit les pentes comme à la parade et semble vouloir aborder la crête extérieure de la tranchée française ; ses colonnes d'attaque sont arrêtées à mi-côte par nos feux de pelotons et ses compagnies broyées, disloquées, roulent jusqu'au bas de la montagne et se blottissent derrière les mouvements de terrain qui se trouvent au pied du Rother Berg. Là, dérobé à la vue de nos troupes, l'ennemi reprend haleine et attend de nouveaux renforts, demandant à son artillerie ce que n'ont pu obtenir ses baïonnettes. Les batteries allemandes prennent position sur tous les points et concentrent sur l'éperon un feu épouvantable auquel nos pièces, inférieures en nombre et en puissance, ne peuvent répondre. Notre artillerie est bientôt écrasée et réduite à la retraite.

La position n'est plus tenable et la tranchée est évacuée ; les compagnies viennent se grouper sur un petit plateau en arrière. Là se trouve le général Micheler qui en impose à tous par sa haute stature et son attitude ferme et résolue ; à pied, tête nue, cas son képi a été enlevé par une balle, la capote trouée de cinq projectiles, il rallie les soldats en désordre ; les fait agenouiller et, seul debout, commande un feu à volonté qui arrête les assaillants.

Général Micheler

Soutenu par le 63e qui accourt, il lance sa brigade en avant, à la baïonnette et reprend possession des tranchées. Il est deux heures et la position est toujours à nous. Le général prussien von François fait avancer de nouvelles troupes, recommence l'attaque et ouvre sur le Rother Berg une effroyable fusillade. Le Lieutenant-Colonel Arnoux, qui commande les deux premiers bataillons, tombe frappé d'une balle à la tête et de deux éclats d'obus moment où il vient de s'écrier : " Tenez bon mes enfants et visez bien ! " Nombre d'officiers et de soldats sont hors de combat.

Paul Edouard Arnoux,

Né le 19/2/1822 à Poitiers.

Ancien de Saint Cyr, cette officier a fait une carrière régulière dans les régiments de ligne.
Il a fait campagne en Crimée où il a été blessé le 19/4/1855 d'un coup de feu à la jambe devant Sébastopol et y a reçu la croix de la Légion d'Honneur.
Il a ensuite servi en Italie et en Afrique.

Promu Lieutenant Colonel le 24/6/1870, il est commandant en second du 24e régiment le jour de Spicheren, bataille durant laquelle il est blessé d'une balle à la tête et d'un eclat d'obus à la jambe droite. .

Après la guerre, il est nommé commandant en second de l'école de Saint Cyr et finit sa carrière comme Général de brigade.

      

Le général Micheler rassemble les hommes qui sont auprès de lui : " A la baïonnette ! " s'écrie-t-il d'une voix forte et vibrante ; ce cri est répété dans tous les rangs et une horrible mêlée s'engage. Le porte drapeau Brianceau s'élance résolument en avant, tenant haut et ferme le drapeau du régiment. Le commandant Hervé, les capitaines Vallet, Leroy, Moulines et d'autres officiers, le fusil à la main, entraînent leurs hommes et font de larges trouées dans les rangs allemands. Nos soldats sont mêlés à ceux du 63e, du 66e et du 23e successivement arrivés, et combattent avec la dernière énergie jusqu'à 4 heures.

Commandant Hervé
Chef de bataillon

Capitaine Moulines
Blessé d'une contusion à la poitrine
Cité à l'ordre de l'armée

A ce moment, les Allemands ont pu tourner notre aile droite et après avoir occupé le Giffert Wald et les Slifts-Wald, bordent les lisières ouest de ces bois, menaçant la retraite de nos héroïques soldats. Le général Micheler, qui voit grossier sans cesse les bataillons prussiens et qui mesure la gravité de la situation, fait sonner la retraite. On se retire ainsi jusqu'en arrière de l'extrémité oust du Giffert Wald et nos troupes se placent, par petites colonnes, dans des sillons parallèles à la lisière où, couchées, elles empêchent pendent près de deux heures de déboucher des bois. A la gauche des 2e et 1er bataillon, le colonel d'Arguesse, avec le 3e, a fait aussi des prodiges de valeur. Pendant la première partie de la journée, la lutte de ce côté n'a pas été très vive, parce que l'ennemi dirigeait ses principaux efforts sur la division vergé et sur le Rother Berg. Vers 4 heures, cependant, l'ennemi commença à attaquer vigoureusement et ne parvient à gagner les crêtes du plateau qu'à six heures, au moment de l'évacuation de l'éperon par les 1ers et 2e bataillons. Alors le 3e bataillon se trouva confondu avec des troupes du 8e, du 23e et du 66e de ligne et tous combattirent ensemble et défendirent le plateau jusqu'à huit heures du soir. Les pertes du régiment furent dans cette journée malheureuse de 25 officiers et 472 sous-officiers et soldats tués et blessés.

Lieutenant Patorni
Blessé d'une balle à l'épaule gauche
Promu chevalier de la Légion d'Honneur
Ici chef de bataillon en 1885

Léon Charles Vannetelle
Capitaine au régiment

Historique du 40e régiment 

Le 6 au matin, les Prussiens prennent position en avant de Sarrebrück et se préparent à nous attaquer. La position occupée par le 2e corps est formée par les hauteurs de Spickeren et s'appuie à droite, à la Sarre, à gauche, au village de Stiring-Wendel. Le centre a pour point d'appui le Rotherberg, sorte d'éperon qui s'avance dans la vallée, et commande le terrain sur une grande étendue à l'est et à l'ouest. La 3e division (Laveaucoupet), à la droite de la ligne, occupe les hauteurs de Spickeren; à la gauche, la 1ere division (Vergé) défend la route et le chemin de fer de Sarrebrück à Forbach. La division Bataille est en deuxième ligne à Octingen.

Le 5 août, le 40e avait reçu un détachement de 700 hommes venant du dépôt. L'effectif de ses compagnies était alors de 110 hommes environ, réservistes compris. Dans la soirée, il quitte Saint-Arnual, pour aller s'établir sur la hauteur de Spickeren; à 1 heure du matin, il est réuni tout entier à 200 mètres environ au nord du village. Le 3e bataillon, sous les ordres du commandant Roche, est aussitôt envoyé en grand'garde, sur une hauteur boisée située à 1500 mètres environ au nord de Spickeren. La droite de ce bataillon s'établit en arrière d'une clairière sensiblement carrée et formant dans le bois une trouée large de 100 mètres ; la gauche défendait la lisière de la forêt.

Vers 10 heures du matin, les Prussiens commencèrent l'attaque. Le 3e bataillon, qui avait les premières sections de ses compagnies en tirailleurs sur la lisière, et les autres en réserve, en arrière de la clairière, résista avec une mâle énergie. Mais là, comme dans la plupart des combats de cette fatale campagne, le nombre eut raison de la bravoure et du dévouement. Accablés par un feu épouvantable, menacés d'être enveloppés par des forces trop considérables, nos soldats sont forcés de battre en retraite. Il est 11 heures. Le 2e bataillon entre en ligne à son tour. Une lutte acharnée s'engage ; la droite de ce bataillon, et en particulier la 3e compagnie (capitaine Archidet), chargée d'occuper la clairière, éprouvent des pertes cruelles. A midi, c'est-à-dire une demi-heure après son entrée en ligne, cette compagnie avait eu le lieutenant Gangloff tué, le sous-lieutenant Franger, le sergent-major, grièvement blessés, et un grand nombre de soldats tués ou blessés.

A ce moment, le 1er bataillon, spectateur impatient du combat acharné qui se livrait devant lui, se met en mouvement pour soutenir le 2e dont les munitions commençaient à s'épuiser. Les 2 et 3e compagnies se portent dans la clairière en avant des tirailleurs du 2e bataillon; la 1e compagnie, commandée par le capitaine Cazalens, occupe la face droite de la trouée, afin d'empêcher un mouvement tournant de ce côté. Les trois compagnies de gauche occupent la face gauche et la partie du bois située à l'ouest. L'arrivée de ce renfort détermine un mouvement en avant. De midi 30 à 3 heures de l'après-midi, la clairière, sur laquelle les Prussiens concentrent de considérables efforts, est prise et reprise plusieurs fois par le 40e et en particulier par le 1er bataillon. A 3 heures, la 1 brigade (général Doens) de la division Laveaucoupet vient renforcer la 2e (général Micheler). Devant ces nouvelles forces, les ennemis battent en retraite; la conquète du bois paraît enfin assurée. Vain espoir. Les Prussiens, renforcés à leur tour, se présentent avec une supériorité numérique écrasante. A 4 heures, la clairière est abandonnée par le 2e bataillon.

La situation de la 1er compagnie du 1er bataillon, toujours en potence à la droite de la ligne de bataille, devient très critique. Renforcée par une compagnie du 2e de ligne, elle s'obstine jusqu'à 6 heures du soir dans une lutte dont l'issue ne pouvait plus être que la mort. Le général Doens s'est jeté au milieu de ces braves. Abrités derrière un talus, ils défendent pied à pied pendant une demi-heure l'entrée de la clairière. Grâce à eux, le régiment peut effectuer sa retraite et regagner la hauteur de Spickeren. La dernière cartouche tirée, cette poignée de héros s'élance, tête baissée, au-devant de la mort. Le général Doens, qui s'est mis à leur tête, en s'écriant : " Allons mes enfants, en avant, " tombe mortellement blessé. Le capitaine Cazalens est tué à côté de lui. Ce qui reste du 40e et du 2e de ligne bat rapidement en retraite, sous un feu des plus violents, et parvient à rejoindre le corps sur la hauteur de Spickeren.

Jusqu'à 8 heures du soir, le régiment, commandé par le chef de bataillon Roche, le seul de nos officiers supérieurs non blessé, se maintint sur sa position, malgré tous les efforts de l'ennemi pour l'en déloger. A 8 heures et demie, l'ordre fut donné de battre en retraite. Le régiment se retira par le village de Spickeren et prit la route de Forbach. Le rôle défensif joué par lui pendant toute la journée, à la droite de la ligne de bataille, avait été véritablement glorieux. Nous en avons la preuve hélas ! trop cruelle dans le nombre des tués et blessés. Les capitaines Cazalens, Chéret, les lieutenants Dumas, Gangloff, le sous-lieutenant Lenoir furent tués.

Le colonel Vittot et le lieutenant-colonel Rode, les chefs de bataillon Chardot, Hermieu, le capitaine adjudant-major Colasson, les capitaines Roulin, Lebègue, Hittos, Bernède, Monnac, Millé, les lieutenants Mourey, Devaux, Guiraud, de Vaulx d'Achy, Morel, Bertrand, Vautrain, les sous-lieutenants Simon, Dugourd, Marre, Rollin, Frauger, Gouté, Chavent, Robert, Jalabert, Personne, furent blessés.

Le nombre des sous-officiers, caporaux et soldats tués, blessés ou disparus s'élevait à 531.
A la suite de la bataille de Spickeren, le colonel Vittot, le lieutenant-colonel Rode, le capitaine adjudant-major Michel et le soldat Tostivint furent cités à l'ordre du jour de l'armée.

Les officiers du 2e bataillon du 40e régiment,

C'est une année avant la guerre que les officiers du 2e bataillon du régiment se font photographier à Rocroi, garnison du 40e RI.

C'est avec un cadre pratiquement inchangé que le bataillon est engagé le 6 aout 1870 lors de la bataille de Spicheren ,dans la défense de l'éperon du Rotheberg.

La journée du 6 aout coûte au régiment 531 hommes et 33 officiers hors de combat, parmis lesquels sont tués le sous lieutenant Cazalens (1er rang assis à gauche) et le lieutenant Dumas (3e rang, 4e à gauche) et blessés le commandant Chardon (2e rang, 4e à gauche), le capitaine Hittos (3e rang, 2e à droite) et les lieutenants Devaux (3e rang, 1er à gauche) et de Vaulx d'Achy (1er rang à droite)..

      


ENGAGEMENT DE LA 1ere BRIGADE

Après avoir resisté héroïquement dans la matinée, le 10e bataillon de chasseurs qui en avait la charge doit évacuer la position sous la pression des masses prussiennes. Laveaucoupet engage alors ses régiments d'infanterie pour reprendre la position.
Restée en réserve derrière la brigade Micheler, la brigage du général Doens (2e et 63e régiments d'infanterie) est bientôt appelée en soutien par le général de Laveaucoupet. Le 63e régiment est destiné à appuyer la gauche de la position dans le Gifertwald et le Rotherberg ; Le 2e de ligne reçoit mission de défendre à droite, la clairière située près de Pfaffenwald.
L'effectif français sur les hauteurs est alors de 8.000 hommes. Les Prussiens vont les attaquer avec des forces ecrasantes ; ils ont en outre pour eux l'immense avantage d'une artillerie supérieure. Les batteries françaises retirées en arrière des crêtes, près de Spickeren, ne peuvent agir efficacement que dans le cas où les Prussiens déboucheraient du Rotherberg et du Gifertwald.

Historique du 2e régiment d'infanterie

Le 6 août, à neuf heures du matin, on entend le canon dans la direction de Sarrebruck. Vers onze heures, la fusillade se fait entendre dans la direction de l'Eperon de Spicheren ; c'est la 2e brigade qui entre en lutte avec les Prussiens qui paraissent pousser une forte reconnaissance vers cette direction et le bois situé en avant du village.
A midi, le régiment reçoit l'ordre de marcher à l'ennemi. Le 1er bataillon (commandant Scholer) conserve la garde des hauteurs boisées en arrière de Spicheren et doit observer le vallon en avant de Grosbliederstroff, par où l'on craint un mouvement tournant. Les 5e et 6e compagnies (capitaines Létang et Malet) sont envoyées dans le vallon même ; mais, après avoir constaté l'inutilité de leur présence à cet endroit déjà occupé par d'autres troupes, elles marchent au feu dans la direction de l'éperon de Spicheren, se joignent au 3e bataillon et prennent part à ses opérations.
Le 2e bataillon (commandant Gayraud) se porte droit sur le bois situé en avant de Spicheren, en laissant le village à gauche ; le général Doens, le colonel De Saint Hilliers, le lieutenant-colonel De Boucheman marchent avec ce bataillon.

      

Amédée Henri Charles de Saint-Hillier

Né le 17/9/1816, c'est un Saint Cyrien de la promotion de 1835. De Saint-Hillier a servi en Algérie entre 1854 et 1859 comme officier supérieur du 2e régiment de Zouaves. Lors de la bataille de Magenta en Italie, il a été gravement blessé "d'un coup de feu au bras gauche, d'un autre à l'avant bras droit (la balle ayant pénétré au dessus de l'origine du coude et étant sortie par l'avant bras), et d'une contusion avec plaie à la poitrine".

Promu Lieutenant Colonel en octobre 1859, il a servi au 2e régiment des voltigeurs de la Garde (ici photographié).

La guerre de 1870 le trouve Colonel du 2e régiment d'infanterie (depuis le 13/8/1863).

Dans "Français et Allemands" Dick de Lonlay décrit le colonel en ces termes : "Le 2e régiment d'infanterie est commandé par l'un des plus braves colonels de l'armée : M de Saint-Hillier. C'est un officier savant, instruit, d'une modestie remarquable, d'un sang froid intrépide... Ce vaillant homme de guerre, auquel des études profondes ne permettent pas de conserver d'illusions sur l'issue de la guerre, a tristement prédit l'avenir des desastres qui nous attend. Il est résolu à faire l'impossible pour conjurer le péril, mais il semble qu'il a le pressentiment de sa mort. Il a fait de son régiment un corps d'élite animé du plus pur patriotisme ; son corps d'officiers a le sentiment du devoir et de l'honneur ; la discipline du 2e de ligne, obtenue sans rigeurs par l'application intelligente des règles et par l'exemple est l'objet de l'admiration de l'armée."

Photo Dagron (Paris)

Après avoir traversé tout le vallon de Spicheren, ou pour mieux dire parcouru un espace de 1,500 mètres dans un terrain très inégal, le 2e bataillon s'arrête sur la crête opposée; devant lui se trouve un petit ravin de 800 mètres de largeur environ, qui le sépare du bois sur lequel il a reçu l'ordre de marcher. Après quelques instants de repos, pendant lesquels il a fait déposer les sacs, le commandant Gayraud lance son bataillon à l'attaque du bois qu'occupent les Prussiens. Dès qu'ils se montre, une terrible décharge de l'ennemi, bien posté derrière les arbres, couche par terre bon nombre d'hommes ; le bataillon enlevé par ses chefs n'en continue pas moins sa marche en avant : Il pénètre dans le bois , en chasse l'ennemi et arrive au revers opposé de la hauteur.

"Bientôt cependant les forces, contre lesquelles ce bataillon est le seul à lutter, augmentant à vue d'oeil, il est obligé de battre en retraite et se replie par un très beau mouvement sous bois, habilement conduit. Les lourds fantassins teutons débouchent dans la clairière et sont écrasés par un feu roulant ; ils plient et reculent. Mais à ce moment, de nouveaux bataillons ennemis, gardés en réserve, sont lancés sur notre droite ; ils ont opéré un grand mouvement sous bois ; malheureusement, la petite troupe française n'a pas permis de surveiller cette manoeuvre.
Le général Doëns et le colonel de Saint-Hillier massent rapidement plusieurs compagnies ; l'heure du dévouement a sonné ; il faut culbuter ces troupes à la baïonnette. Les clairons sonnent, les tambours battent, et nos fantassins suivent leurs chefs qui les guident. Le sabre à la main. M. de Saint-Hillier, grave et froid, marche en tête avec son général ; le lieutenant-colonel de Boucheman est à son poste de combat. L'ennemi, qui use si habilement des feux de salve, tire sur ces officiers qu'il distingue ; un millier de balles s'abattent autour d'eux et tous trois roulent à terre. Seul, le lieutenant-colonel de Boucheman se relève pour retomber encore, en criant : « Vive la France ! En avant ! » Il est grièvement blessé. Le colonel de Saint-Hillier a été tué raide par une balle, qui lui a brisé la tempe gauche. Le général Doëns est mortellement atteint. Son officier d'ordonnance, le lieutenant Abria du 2e de ligne, a été également renversé par cette terrible décharge. Les soldats consternés entourent leurs officiers morts ou mourants." (D de Lonlay - Français et Allemands)

Lieutenant Colonel de Boucheman
2e régiment d'infanterie
Blessé et capturé par les Prussiens

Lieutenant Abria
2e régiment
Officier d'ordonnace du général Doens
Blessé et capturé
Ici général sous la République


Le bataillon évacue enfin le bois et opère sa retraite de l'autre côté du ravin, dans la direction où il a déposé ses sacs. Dans cette retraite, le général Doens est mortellement frappé d'une balle qui lui fracasse l'épaule.
Le commandant Gayraud fait coucher son bataillon en arrière des sacs et donne l'ordre de ne tirer que lorsque l'ennemi, sortant du bois cherchera à traverser le ravin. Il maintient ainsi les Prussiens de 4h30 à 9h du soir.

Le 3e bataillon (commandant Pettelot) est dirigé d'abord vers la droite, mais il est bientôt rappelé par le général de Laveaucoupet pour concourir à la défense de l'Eperon contre lequel l'ennemi dirige de nouvelles forces. Après avoir reçu les ordres du général de division lui-même, le bataillon dépose les sacs, travers le chemin encaissé de Spicheren à Sarrebruck et gravit en colonne un mamelon sur lequel est établie une batterie de mitrailleuses. Arrivé sur le haut du mamelon, le bataillon se déploie et commence immédiatement le feu contre les Prussiens.
Il occupait cette position depuis près d'une heure, lorsque le général de Laveaucoupet lui donne l'ordre de se porter plus en avant et vers la gauche pour empêcher l'ennemi de nous déborder de ce côté. Enlevé avec beaucoup d'entrain par ses officiers, le 3e bataillon se porte avec ordre dans la nouvelle direction et s'arrête sur le bord d'un ravin que l'artillerie ennemie couvre de projectiles. Pendant deux heures, il se maintient dans cette position difficile et empêche par sa contenance énergique l'infanterie prussienne de franchir ce ravin. ; mais les forces de l'ennemi augmentant toujours, le bataillon après avoir éprouvé des pertes sérieuses, est obligé de se retirer et de venir reprendre la position première devenue beaucoup plus dangereuse qu'au début de l'action. L'ennemi a réussi en effet à établir de l'autre côté du ravin une batterie qui couvre le plateau de projectiles. Malgré cela le 3e bataillon garde cette position jusqu'à la nuit, perdant beaucoup de monde, mais ne reculant pas d'un pouce, se cramponnant à la position suivant l'expression même du général de Laveaucoupet, et contribuant certainement pour une large part à empêcher l'ennemi de déboucher sur le plateau.
Dans cette circonstance, le capitaine Perrot, de la 4e compagnie, fait preuve d'un grand calme et d'un grand courage. Il prend avec lui une trentaine de bons tireurs, les place sur la droite du bataillon et inflige des pertes sérieuses à l'ennemi en dirigeant avec intelligence le feu de ces quelques hommes. Le capitaine Perrot ne se retire qu'après avoir été blessé à la hanche.

A 9 heures du soir, le régiment, commandé par le commandant Scholer, se rallie, sous la protection de l'artillerie, en arrière de Spicheren sur les hauteurs où il était campé le matin.
La retraite commence vers dix heures du soir; le 2e de ligne, escortant l'artillerie, se dirige sur Behren.
Arrivé en cet endroit, on fait l'appel et l'on constate que la journée du 6 août a coûté au régiment :
Cinq officiers tués : M. De Saint-Hillier, colonel, Préla, lieutenant, Richard d'Abnour, Duchesne, Horion, sous-lieutenants;
Dix-neuf officiers blessés : Martenot, capitaine adjudant-major, Gorincourt, Perrot, capitaines; Perotte-Deslandes, Pellefigue, lieutenants; Vessière, Gary, Roche, sous-lieutenants;

Lieutenant Vessière
2e régiment d'infanterie
Blessé, il a l'énergie de rejoindre son régiment

Officiers blessés tombés au pouvoir de l'ennemi: MM. De Boucheman, lieutenant-colonel ; Bonnarel, capitaine adjudant-major; Malet, Lavigne, Bounihol, capitaines ; Fourcade (mort à Sarrébruck, le 25 août, des suites de sa blessure), Abria (officier d'ordonnance du général Doens), Douce, lieutenants ; Fécheroulle, Gréville, Pierson, sous-lieutenants.
Trois cent cinquante-sept sous-officiers, caporaux et soldats sont mis hors de combat, sur un effectif d'environ 1,700 hommes, et les quatre premières compagnies du 1er bataillon n'ont pas été engagées ! Sur ce nombre 109 sont morts sur le champ de bataille ou des suites de leurs blessures. Que dire en présence de pareilles pertes ? Là comme partout, le brave 2e de ligne avait vigoureusement combattu, sa valeur était restée digne de ses devanciers ; mais il avait été vaincu par le nombre.


Historique du 63e régiment d'infanterie

Le 6, à Spickeren, rien ne faisait présager une action prochaine ; au régiment on avait même envoyé le matin une corvée à Forbach pour y acheter des vivres d'ordinaire. Cependant, on était inquiet ; la soupe est mangée de très bonne heure sans qu'il y ait d'ordres donnés à ce sujet. Instinctivement, chacun plie bagage et se tient prêt à marcher. Vers 9h un combat d'artillerie s'engage et bientôt après, , l'infanterie prussienne, débouchant par la route de Sarrebruck, entamait l'attaque par une marche directe sur notre front. De proche en proche, la lutte s'étendait sur toute la ligne, mais les flancs n'étaient pas menacés. Le régiment placé en arrière, n'avait pas encore à intervenir dans l'action. Cette tranquilité ne devait pas durer longtemps. Bientôt en effet, l'ennemi comprenant que les hauteurs de Spickeren sont la clef de la position, dirige de nouvelles forces sur la droite du 2e corps.
Jusqu'à ce moment, le général de Laveaucoupet avait pu tenir tête à l'attaque avec la seule brigade Micheler ; mais cette dernière commençait à s'affaiblir, les munitions diminuaient ; il devenait donc urgent de porter la 2e ligne à l'appui de la première. Le brigade Doens reçoit alors l'ordre d'avancer. Le 2e de ligne, poussant droit devant lui, entre dans le bois du Rotherberg pour soutenir le 10e bataillon de chasseurs ; les 1e et 2e bataillons du 63e sont portés un peu en avant de Spickeren ; notre 3e bataillon est envoyé avec la batterie de mitrailleuses dont il forme le soutien, à la droite, presque en avant d'Alsting.

Le feu est devenu très violent. Vers 1h, le 2e de ligne est rejeté hors du bois et descend jusqu'au fond du ravin dans lequel coule la source nord du Sourbach. Les Prussiens s'arrètent sur la lisière du bois, d'où ils tirent sur ce régiment. Cependant ce dernier, malgré le feu violent qu'il essuie, se reforme ; nos 1er et 2e bataillons reçoivent alors l'ordre de venir l'appuyer à gauche. Ils se forment pour cette attaque ; le 1er bataillon à gauche, en colonne double, le 2e en ligne déployée, entrent ainsi dans le bois au pas de charge, sans tirer un coup de fusil et refoulent devant eux les prussiens. Ce fut un beau moment.

Mais bientôt les Prussiens profitant de ce que le bois est très fourré font tête ; un combat acharné s'engage, on se fusille à bout portant ; là tombent le lieutenant de Beaurepaire, le capitaine Demonchy ; mais rien ne peut arrêter notre élan ; ceux qui tombent n'inspirent à ceux qui sont épargnés que le sentiment de la vengeance et les Prussiens sont enfin chassés de leurs positions. Le combat est ainsi reporté sur toute notre ligne à l'extrémité septentrionale de l'éperon et à la lisière nord du bois de Rotherberg que nos deux bataillons garnissent. Le terrain en avait la forme de gradins successifs qui facilitaient la marche des Prussiens.
Voyant cette situation, et croyant qu'un seul de ces gradins masquait la vue vers la plaine, nos hommes poussent vers l'avant et délogent l'ennemi du premier de ces gradins ; mais 50 metres plus loin, on les trouve en force derrière un second. Alors, ne pouvant plus accentuer le mouvement offensif, et la situation sur ce point n'étant plus tenable, les 1er et 2e bataillons revinrent occuper la lisière du bois. Le combat se maintint ainsi pendant près de 2 heures ; on était à moins de 100 metres à peine les uns des autres ; toutes les fois que les Prussiens essayaient de franchir le premier gradin, ils étaient vivement repoussés ; mais de notre côté, nous ne pouvions pas davantage parvenir à les rejeter dans la plaine.

Au moment où les 1er et 2e bataillons enlevaient le bois du Rotherberg, la batterie de mitrailleuses reçoit l'ordre de venir en occuper l'extrémité sud ouest. Elle s'y transporte au grand trot en passant par Spickeren, notre 3e bataillon, marchant par le flanc, la suit aussi vite que possible. Il est près de 2 heures, Spickeren rempli de blessés, est vivement cannoné par l'artillerie prussienne. Malgré ces obus, le bataillon continue sa marche sans s'arrêter et arrive à l'extrémité sud ouest du bois, à la place qui lui avait été assignée. Mais à peine y est-il, que sans lui laisser le temps de reprendre haleine, le chef d'état major de la division le lance en avant avec ordre d'appuyer les troupes déjà engagées dans le bois. Pour se dérober à la vue des batteries prussiennes, qui cannonaient violemment le Rotherberg, le bataillon entre sous bois et descend vers le nord en longeant la lisière ouest. Au débouché de ce couvert, outre les obus qui lui venaient de la gauche, il est assailli du même côté par une violente fusillade qui met hors de combat la capitaine de Beurmann, le lieutenant Vachette et bon nombre d'hommes.

      

Charles Auguste de Beurmann

Né le 23/1/1829 à Wissembourg, Charles de Beumann est promu Capitaine du 63e régiment d'infanterie le 24/5/1859.

En 1870, il en commande la 3e compagnie du 3e bataillon.

Le 6/8/1870 à Spickeren, le bataillon est en soutien d'une batterie de mitrailleuse déployée au sud ouest du bois de Rotherberg lorsqu'il est ordonné d'appuyer les troupes engagées dans le bois. Il est blessé dans l'action.

Son corps n'est pas retrouvé et il est promu chevalier de la Légion d'Honneur à titre posthume le 19/10/1870.

Photo Darnay (Poitier)

L'ennemi, en effet, voyant tous ses efforts repoussés de front, dirigeait sur nos flancs les troupes fraîches qui ne cessaient de lui arriver. Le commandant Lacer ordonne alors à sa 1er compagnie (capitaine Gerboin) de faire face à gauche pour repousser toute attaque venant de ce côté, puis, il établit ses autres compagnies à la lisière du bois et à la crête de l'éperon, d'où elles ouvrent le feu.

Dans cette position, nos 3 bataillons réunis luttent avec succès sans que les Prussiens puissent parvenir à les entamer. Sur notre gauche, la compagnie Gerboin repousse à 4 reprises différentes les attaques de flanc que l'ennemi cherchait à prononcer.

 

Joseph Emile Jules Gerboin

Né le 22/3/1840 à Phalsbourg, Gerboin est sorti de l'école de Saint Cyr en octobre 1859, comme Sous Lieutenant au 63e régiment d'infanterie. Il a servi en Algérie avec son régiment avant la guerre.

La guerre de 1870 le trouve Capitaine (en date du 15/11/1869), commandant la 1ere compagnie du 3e bataillon.

A Spicheren, il est blessé par un eclat d'obus à la partie inférieure droite de la poitrine, blessure produisant une forte contusion avec ecchymose très étendue. Après la bataille, il est fait chevalier de la légion d'Honneur.

Après la guerre, il va servir à plusieurs reprises en Algérie et en Tunisie, où il y commande le 29e bataillon de chasseurs à pied. Il finit sa carrière comme général de brigade.


      

Mais vers 4 heures, les obus et les balles avaient largement creusé leurs sillons sanglants dans nos rangs ; de plus, les Prussiens ont engagé à cette heure de nombreuses troupes fraîches contre les défenseurs de la lisière nord du bois ; et ceux ci, décimés, épuisés par la lutte, commençant à manquer de munitions et ne se sentant plus soutenus par la moindre réserve, vont être bientôt obligés de reculer. Le général de Laveaucoupet prescrit alors au colonel Zentz, qui avait pris le commandement de la brigade lorsque le général Doens avait été mortellement blessé, de se reporter en arrière les défenseurs du bois. Le colonel Zentz, prenant quelques compagnies du régiment leur fait jalonner avec les sacs, que l'on avait posés pour marcher à l'assaut des bois, une nouvelle ligne de défense sur le sommet des pentes de la rive droite de la source nord du Sourbach ; puis, ne pouvant faire entendre aucun signal à cause du canon et de la fusillade, il envoya les sous-officiers et soldats qu'il avait sous la main pour rappeler les troupes engagées en avant. Il y eut là de la part de tous ces hommes qui se rejetèrent dans la mélée de beaux actes de dévouement.

Peu à peu, nos 1er et 2e bataillons viennent se grouper en ordre autour du colonel ; ce fut à eux que vinrent ensuite se rallier ceux des 24e et 40e. Le colonel put alors, avec les débris des trois régiments, former deux lignes épaisses de tirailleurs dont la seconde pouvait (grace à la déclivité très prononcée du terrain) tirer par dessus la première sans aucun danger de l'atteindre ; puis, faisant rappeler l'artillerie qui s'était placée en arrière de Spickeren, il la fait mettre en batterie à droite et à gauche du village et lui donne l'ordre formel de cannoner le bois par dessus notre infanterie. Les Prussiens qui avaient suivi nos troupes en retraite furent arrétés net à la lisière devant ce dispositif.

Ces deux lignes de tirailleurs, une fois installées et l'artillerie en position, notre 3e bataillon qui s'était jusqu'alors cramponné à l'angle sud ouest du bois d'où les Prussiens, malgré tous leurs efforts, n'avaient pu le déloger, reçut l'ordre de se replier à son tour. Il le fit lentement en formant deux petits échelons et vint se placer à la gauche de la première des deux lignes de tirailleurs en avant du calvaire de Spickeren. Il était en effet 7h du soir. La lutte continua acharnée de part et d'autre. En vain, à plusieurs reprises, les Prussiens entrainés par leurs officiers essaient de sortir du bois et de marcher à l'assaut de nos lignes. Notre feu et celui de notre artillerie les en empêchent d'une façon absolue et chaque fois ils sont obligés de regagner précipitamment leur couvert, laissant bon nombre des leurs sur le terrain. Pendant ce temps, le colonel Zentz, seul debout se promenait derrière la première ligne, surveillant attentivement les mouvements de l'ennemi. Tout à coup on le voit chanceller puis tomber brusquement à terre de toute sa hauteur. Le régiment pousse un cri :"le colonel est tué !" Mais lui, se relevant froidement : "Ca n'est rien" dit il en ramassant son képi; et il reprend sa promenade. Il avait été atteint en pleine poitrine par une balle morte heureusement, dont le choc l'avait jeté par terre sans lui faire aucune blessure. 

      

Louis Adolphe Zentz d'Allnois,

né le 16/7/1820 à Cons la Grandville (Moselle).

Colonel du 63e RI depuis 1861, Zentz le conduite durant la guerre de 1870.
 
Dans son ouvrage sur les opérations du 2e corps de l’armée du Rhin, le général Frossard le cite avec éloge pour sa conduite à Spickeren-Forbach. Il y gagna ses deux étoiles et reçut le commandement de la 1re brigade de la 2e division.
Le rapport de son divisionnaire, M. de Laveaucoupet, est ainsi conçu : « M. le général Zentz a assisté en qualité de colonel du 63e de ligne au combat de Sarrebrück le 2 août, à la bataille de Spickeren le 6 août, à la bataille de Borny sous Metz le 14 août. Il s’est particulièrement distingué à la bataille de Spickeren, lorsque le général Doens, blessé, a dû laisser le commandement de la brigade. C’est à lui que je dois d’avoir pu rallier en arrière de la crête boisée en avant de Spickeren, les bataillons du 40e de ligne et du 24e qui, pendant toute la journée, avaient défendu le bois. C’est là que, debout, à quelques pas en arrière de ses hommes placés sur deux lignes et qui étaient couchés pour donner moins de prise au feu de l’ennemi, il a tenu de 5h ½ à 8h ½ et résisté à toutes les attaques. Le colonel Zentz est un des quelques officiers qui m’ont permis de tenir la position. Il a été magnifique de sang-froid et de bravoure, et cela pendant de longues heures. Il a été sur ma proposition nommé général de brigade ; il mérite d’être cité à l’ordre de l’armée et mentionné dans le bulletin des opérations. ».
 
Il figure sur cette photo en Lieutenant Colonel des Voltigeurs de la Garde, peu après la campagne d'Italie.

Ce ne fut qu'à la nuit noire que le combat cessa des deux côtés ; nous restions absolument maîtres de la deuxième partie de la position, dont malgré leur nombre et leurs efforts, les Prussiens n'avaient pas pu s'emparer. Nos hommes avaient donné là tout ce qu'ils pouvaient d'energique résistance ; ils étaient à bout de force. vers 9h du soir, le général de Laveaucouper replia la 3e division sur la crête du sud du village de Spickeren, occupant toujours ce village par ses avants postes ; on ne tirait plus, les troupes de l'ennemi harassées autant que les nôtres, n'étaient en état ni de continuer le combat, ni d'avancer.

Les pertes du régiment dans la journée furent très grandes, ainsi qu'on put le constater le soir lorsqu'on fit l'appel près de Spickeren. Nous avions : Tués, 4 officiers (capitaine Demonchy; lieutenants de Beaurepaire et Vachette, sous lieutenant North), 5 sous officiers, 4 caporaux, 17 soldats. Blessés 11 officiers (commandant Lespieau, capitaines Paissot, Ruillier, Gerboin, le Joindre, de Beurmann - mort plus tard des suites de ses blessures - lieutenant Moinot, Vendelobe, Braun, Lacombe, sous lieutenant Gille), 17 sous officiers, 29 caporaux, 133 soldats. Disparus, 11 sous officiers, 11 caporaux, 121 soldats. Soit au total : 15 officiers, 33 sous officiers, 44 caporaux, 271 soldats hors de combat. Ces chiffres disent assez avec quelle energie le régiment avait combattu.


Commandant Lespieau
Blessé d'un coup de feu à la cuisse droite
Promu Lieutenant Colonel
Ici général sous la République.


Capitaine le Joindre
Blessé d'un coup de feu à la région lombaire gauche
Fait prisonnier
Cité à l'ordre du corps d'armée

Lieutenant Moinot Werly
Blessé d'un coup de feu à la cuisse
Promu Capitaine

Retour