Les officiers tués dans les opérations militaires (1850-1869)

 

En Crimée

   

Charles François Robert Lefebvre de Rumfort

 

Né le 11/10/1813 à Passy. Polytechnicien, puis élève à l'école d'état major, il est nommé sous-Lieutenant en 1835.

Sur ce rare daguerréotype, hélas un peu abimé, il figure en Capitaine (nommé le 27/1/1841) et porte la croix de la Légion d'Honneur reçue lors de la campagne de Kabylie en 1852.

Il part en Orient en 1854, nommé à l'état major de la 5e division, puis rejoint l'état major du 2e corps d'armée du général Bosquet le 9/2/1855 lorsqu'il est promu Chef d'escadron. Il est nommé officier de la Légion d'Honneur le 16/6/1855 ("officier d'élite, très vigoureux, servant de guide aux troupes. modèle d'intrépidité.")

Cette intrépidité signe possiblement sa perte, car il est tué lors de l'assaut de Sébstopol le 8/9/1855.
"Homme d'étude et d'action, le commandant Lefebvre avait devant lui un brillant avenir. Il se faisait distinguer par une intelligence hors ligne et par cette aptitude que donnent toujours à l'esprit les études sérieuses" (Bazancourt - l'expédition de Crimée)


En Algérie

Ange Louis Edouard Delaroche Delaperrière

 

Né le 7/11/1832 à Strasbourg, engagé au 12e dragons en 1852, puis Saint Cyrien (1855-1857), Delaroche est nommé Sous Lieutenant le 1/10/1857 au 2e régiment de Chasseurs d'Afrique. Il a servi en Algérie, et lors de la campagne d'Italie avant d'être promu Lieutenant le 11/8/1862.

Lors de l'insurection des Ouled Sidi Cheick dans le sud orannais qui met à feu toute l'Algérie saharienne durant 5 ans, deux escadrons du régiment sont affectés à la colonne du général Martineau.
"Le 26 avril 1864 la colonne marche vers ben Attab. Tous à coup, vers 9 heures du matin, 1.500 cavaliers et 6.000 fantassins arabes attaquent la colonne et se dirigent sur son convoi. Le général lance sur l'ennemi deux escadons du 2e chasseurs d'Afrique qui sabrent les cavaliers mais sont cernés par l'infanterie. Au bruit de la mélée, les zouaves du 2e régiment accourent et dégagent les chasseurs, puis la colonne, toujours environnée par des nuées d'Arabes, que tiennent en respect les zouaves, reprend sa marche vers Geryville (Historique du 2e zouaves) ". Le lieutenant Delaroche est tué dans l'engagement (combat de Saïn Lacta.

Photo Dupont (Oran)

  

   

Adolphe-Charles-Edouard-Eugène Jannot de Moncey

 

Petit neveu du maréchal de Moncey, il est nommé sous-Lieutenant au 3e Hussards le 13 Août 1857, c'est dans ce grade qu'il est photographié dans l'uniforme des hussards d'avant la réforme de 1860 (dolman gris argentin à tresses blanches, ceinture à cordons et cordon fourragère). La photo est prise à Saumur entre 1859 et 1860.

Il passera Lieutenant en Second le 17 Janvier 1863, alors que son régiment est déjà depuis un an en Algérie.

Le 7 octobre 1864, lors d'une engagement contre les arabes à Aïn Malakof, il est tué en chargeant à la tête de son escadron. Il est enterré au cietierre de Djelfa, avec les deux hussards morts à ces côtés en essayant de le protéger.


Cet engagement permet de capturer un butin considérable de 3 000 chameaux, 30 000 moutons, un millier de bœufs et de bêtes de somme, un grand nombre de tentes et d'objets de campement ainsi qu'une somme d'argent importante, représentant ensemble une valeur d’un million et demi, en chiffres ronds. Il eut dans les tribus un très grand retentissement et contribua puissamment à avancer l'heure de la pacification.


 Durant la campagne d'Italie (1859)

Jean Joseph Gustave Cler

Né le 10/12/1814 à Salins, Cler est Saint Cyrien et effectué la première partie de sa carrière en métropole. En 1841, il rejoint l'Algérie comme capitaine adjudant major du 2e bataillon d'infanterie légère d'Afrique et sa carrière va s'accélérer. Il y sert d'abord six ans et fait campagne avec Bugeaud et Saint Arnaud, puis y retrourne comme Lieutenant Colonel (avril 1852) au 2e régiment de zouaves, unité d'élite qu'il va commander au feu lors de la prise de Laghouat où il plante le drapeau du régiment sur le minaret de la ville, puis lors de la campagne de la petite Kabylie.

Nommé Colonel du 2e régiment de zouaves, la guerre de Crimée lui donne encore l'occasion de se distinguer lors de la bataille de l'Alma où il conduit son régiment à l'assaut des positions russes escarpées, prend la tour du télégraphe et de nouveau y plante le drapeau du régiment, puis lors du siège de Sébastopol durant les combats de la prise des ouvrages blancs et la bataille de Tratkir.

De retour en France, considéré comme un héros, Cler est nommé Général de brigade et prend le commandement de la 2e brigade de la Garde Impériale. Il est immortalisé à cette époque par Le Gray, à l'occasion de son reportage photographique au camp de Chalons en 1857. Ce portrait correspond bien à la description faite par le général du Barail dans ses mémoires : "grand et superbe officier, à la taille svelte, aux traits fins, à l'abondante chevelure, très soigné, très élégant, très musqué même, il avait une apparence tout à fait juvénile".

Lors de la campagne d'Italie en 1859, Cler est engagé à Magenta le 4 juin. La Garde y est combat seule contre une bonne partie de l'armée autrichienne devant les ponts du Naviglio Grande qui mènent à Magenta :
"A Ponte Nuovo di Magenta, centre de la position, nous avons vu le général Cler se jeter avec le 1er régiment des grenadiers de la garde au delà du Naviglio. Son arrivée redouble l'ardeur des combattants. D'un coup d'oeil rapide il embrasse l'ensemble des dispositons ennemies, et donne l'ordre au colonel de Bretteville de déployer ses grenadiers à  gauche de la route et des zouaves. Sa vue, l'énergie intrépide qui brille dans ses yeux, électrisent les soldats qu'il commande : zouaves et grenadiers se portent en avant. Le combat est terrible, acharné, sanglant. Aux ennemis qui disparaissent un instant dans les massifs succèdent de nouveaux ennemis ;  des feux invisibles se croisent en tous sens au milieu de ces terrains perfides, où l'oeil ne peut pénétrer. Les Autrichiens concentrent leurs forces sur ces hardis bataillons qui ont dépassé le Naviglio ; bientôt ils les enserrent dans un réseau de fer et de feu. Le général Cler est là, donnant ses ordres et suivant d'un oeil impassible les phases menancantes de cette lutte inégale. Près de lui se tiennent son aide de camp, le capitaine Caffarel et le lieutenant Tortel, son officier d'ordonnance." (Veillées de la brigade. A du Casse).
"La position était désespérée ; j'étais à 4 ou 5 pas du général Cler lorsqu'il donna à notre colonel l'ordre de faire cesser le feu et de marcher en avant à la baïonette ; il était à cheval et tournait le dos à l'ennemi lorsqu'une balle lui traversa le corps en brisant sans doute la colonne vertebrale. Il tomba de cheval en arrière en criant "Oh ! mon Dieu !". Nous commencions à battre en retraite, quatre grenadiers quittent les rangs et veulent rapporter le corps de notre général : deux de ces hommes tombent mortellement atteints, les deux autres cherchent encore à ramener le général en arrière, mais se sentant mourir, il leur ordonne de l'abandonner et de rejoindre leurs rangs. Après la bataille, notre colonel a profité des premiers instants de répit pour faire chercher le corps du général. J'avais vu l'endroit où on l'avait laissé, mais il n'y était plus. Les Autrichiens l'avaient déjùà porté en arrière. Enfin on l'a retrouvé sans mutilations aucune, mais les infâmes lui avaient enlevé ses épaulettes, ses décorations, son sabre turc et ses bottes à l'écuyère. Ses aiguillettes pendaient encore à sa tunique, on n'avait pas eu le temps de les décrocher. Son corps fut déposé dans une maison du pont et transporté le soir après la  bataille dans une petite chaumière abandonnée sur la route de Milan, en arrière de l'ambulance. Le lendemain, son aide de camp Caffarel l'a fait enterrer. On craignait un retour offensif des Autrichiens de sorte qu'il fut défendu de lui rendre les honneurs funèbres militaires. L'aumonier de la division a pu officier et tous les regrèts de ceux qu'il commandait avec tant de bienveillance et de bravoure, l'ont accompagné dans la tombe." (lettre d'un officier).

Photo Le Gray (Paris)

   

   

André Froidefond

Né le 12/1/1832, engagé au 12e régiment de dragons en 1849, il accède à l'épaulette de sous lieutenant en 1854 et fait son entrée aux Guides de la Garde.
Elie de Comminges dans ses souvenirs raconte : "Il se mettait souvent dans des colères furieuses. Alors, il cassait tout, broyait les verres avec ses dents, insultait les passants dans la rue. Même quand il était calme il avait des amusements etonnants. Un jour j'entrai chez lui, il était en train de briser ses meubles. Dans un coin était blotti son flirt. "tu tombes bien, me crie-t-il, je suis en train de jouer à la ville prise d'assaut. Les horreurs de la guerre quoi ! Là bas tu vois la jeune épouse du duc. Toi, tu vas faire le duc!". Ses duels avaient parfois des issues tragiques, le jeune duc de Cataneo s'en aperçut qu'il reçut un tel coup d'épée qu'il trepassa net".

Il porte sur ce cliché une tenue de gala avec culotte à la hongroise et bottes à la Souvarov.

Passé au 1er régiment de carabiniers le 27/4/1859, il trouve la mort à Magenta le 4 juin en compagnie du général Espinasse dont il était officier d'ordonnance.

"Pendant notre marche impétueuse sur Magenta, le général Espinasse avec le général de Castagny à ses côtés, tous deux l'épée à la main, s'étaient tenus en tête de la colonne. Arrivés au chemin de fer, les officiers généraux voulurent aborder à cheval l'entrée de la ville ; mais ne pouvant tenir sur ce sol mouvant de cadavres, Espinasse s'écria "Mettons pied à terre, on ne tient pas ici". Tous deux donnent leurs chevaux aux cavaliers d'escorte et Espinasse s'avance alors l'épée haute aux cris de "En avant !" . C'est pendant ce léger temps d'arrêt que l'extrême tête de colonne dépassant son chef valeureux se précipita dans la ville. Voyant les ravages portés dans nos rangs par une vaste maison surmontée d'un pavillon qui prenait des commandements sur tout le reste, Espinasse en montrant la porte s'écria "Enfoncez moi ça !" mais les efforts de nos hommes furent impuissants. La porte était solide et fortement barricadée de l'intérieur. "Si nous ne pouvons entrer par la porte, pénétrons par la fenêtre !" s'écria le général, et du pommeau de son épée il frappa à une persienne du rez de chaussée : un coup de feu partit : "je suis mort !" cria-t-il en étendant les bras, puis ayant tourné sur lui même, il tomba à la renverse. Froidefond, son officier d'ordonnance eut le même sort : presque au même instant une balle l'atteignit au bas ventre. Il poussa un cri épouvantable et roula dans la poussière." (Souvenirs du capitaine Faivre, aide de camp du général de Castagny).

Photo Alophe (Paris)


Lors de l'expédition du Mexique (1862-1867)

Oswald Benigne de Montarby

Né le 13 juin 1828 à Dampierre (Haure Marne) dans une famille de tradition militaire, Oswald Bénigne de Montarby fait ses études au Prytanée Militaire de La Flèche. Il intègre en 1846 l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, promotion d'Italie, à la sortie de laquelle il rejoint la cavalerie comme Sous-lieutenant au 2e régiment de dragons (le 28/5/1848).
Après avoir suivi les cours de l'école de Saumur (classé 19e sur 46 en 1850), il rejoint le 6e régiment de hussards. Il y est fait Lieutenant le 2/5/1853, puis Capitaine le 30/5/1857. Le 9/12/1859, il passe comme adjudant major au 1er régiment de chasseurs d'Afrique basé en Algérie. Il prend le commandement du 6e escadron le 12/10/1860.

En juillet 1862, il est envoyé au Mexique et débarque à Veracruz le 21 aout à la tête de son escadron de 176 chevaux. Il va alors s'y illustrer brillament.
A peine est il débarqué qu'il opère le 24 aout une reconnaissance vers Boca del Rio. Son escadron tombe sur une troupe de 400 cavaliers mexicains dont ils sont séparés par un cours d'eau. Le capitaine de Montarby, suivi de ses hommes, traverse alors la rivière à la nage et charge l'adversaire qui s'enfuit après quelques minutes de combat, abandonnant un grand nombre de blessés et de morts ainsi que 300 têtes de bétail qui sont d'un grand secours au ravitaillement de Vera Cruz. L'escadron fait ensuite le service d'escorte des convois dans la région de la Soledad dans les terres chaudes.
A l'arrivée des premiers renforts en décembre, l'armée décide d'occuper le plateau d'Anahuac. Envoyé en avant garde, l'escadron de Montarby atteient dans les rues de San Andrès un corps de cavalerie d'environ 500 hommes, en tue une vingtaine et poursuit les fuyards à un kilometre au delà de la ville. Pour cette action, de Montarby reçoit la croix de la Légion d'Honneur.
Le 5 mai 1863, lors du siège de Puebla, l’armée mexicaine tente une sortie, combinée avec un mouvement de Comonfort. Un corps de cavalerie évalué à un millier de chevaux, soutenu en arrière par des colonnes d’infanterie et d’artillerie, se présente tout à coup en avant du village de San Pablo del Monte. Le Général L’Hérillier dirige de ce côté une reconnaissance composée d’un escadron du 1er Régiment de Chasseurs d’Afrique et d’une section de grenadiers du 99ème de Ligne aux ordres du Commandant Aymard de Foucauld. Les Mexicains sont refoulés et poursuivis vigoureusement vers la ferme d’Acapulco où ils sont de nouveau chargés avec la même impétuosité. Là, le Commandant de Foucauld tombe percé d’un coup de lance et expire quelques instants après. Au même instant la garde mexicaine qui protège le porte étendard du 1er Régiment de Durango est assaillie par les cavaliers Bordes et Imbert, du 1er de chasseurs d’Afrique. Bordes abat le porte étendard et s’empare du trophée pendant qu’Imbert poursuit le porte étendard et lui enleve le baudrier de l’étendard qu’il porte sur lui. Le Capitaine de Montarby se met à la tête de l’escadron et continue la poursuite que de Foucauld avait commencée. Trois fois il rallie l’escadron, trois fois il charge l’ennemi. Au cours du combat, de Montarby est blessé au poignet d'un coup de sabre mais il s'écrit : « Au diable la patte nous avons l'étendard ! » et continue à attaquer ses adversaires de son bras valide jusqu'à la déroute de ces derniers, avant d'être une nouvelle fois blessé à la nuque. Nos troupes ramassent les blessés les armes et les prisonniers ramenant dans leurs camps comme trophées de leur victoire sur un ennemi vingt fois plus nombreux le magnifique étendard finement brodé des Lanciers de Durango, vingt et un prisonniers et une grande quantité de lances et de fusils. Ce fait d'armes vaut au régiment d'être décoré de la Légion d'honneur, fait alors unique dans la cavalerie.

Après cette bataille, le capitaine de Montarby est nommé Chef d'escadrons. Il parcourt plus de 400 lieues en deux mois et livre plusieurs affrontements. Le 11 janvier 1865, lors d'une expédition à los Veranos, le régiment se heurte une nouvelle fois aux Mexicains. Les Français remportent la victoire, mais le chef d'escadron de Montarby meurt frappé d'une balle dans la tête.

Photo Plasse et Oberty (Constantine)

   

   

 

Etienne Aristide Béguin

Né en 1837.

Après avoir fait l'école de Saint Cyr (promotion du Prince Impérial, 1855-1857), il suit les cours de l'école d'état major et en sort Lieutenant le 1/2/1860.

Il effectue son stage au 1er régiment des chasseurs d'Afrique et part avec le régiment au corps expéditionnaire du Mexique.

Peu après son arrivée au Mexique, il est  promu Capitaine, et affecté à l'état major du corps expéditionnaire. 

Lors du siège de Puebla, afin de mettre à distance les troupes mexicaines qui tentent de secourir les forces assiègées dans la ville, une partie de l'armée française sous le commandement de Bazaine (un bataillon des 3e zouaves, 51e RI et 81e RI, les tirailleurs algériens, la batterie d'artillerie de la Garde, deux escadrons du 3e chasseurs d'Afrique et le 12e chasseurs) est chargé d'attaquer l'ennemi. L'affrontement a lieu le 8/5/1863 devant le village de San Lorenzo. Les mexicains y sont culbutés et doivent retraiter, perdant 1200 tués et autant de blessés, abandonnant 8 pièces d'artillerie et laissant 3 drapeaux et d'importants ravitaillement aux mains des français. Les troupes françaises déplorent elles 30 tués et 120 blessés.

Parmis les tués figure le capitaine Béguin, frappé dès le début de l'action d'une balle au coeur, alors "qu'il se portait en avant avec intrépidité"..

 

   

Henry Marie Jules Béraud de Courville (à droite) et Clément Léon Dromzée (à gauche)

Ces deux brillants officiers du 2e régiment de Zouaves sont tués dans le combat d'Huachningo le 26 janvier 1865 :

"Le 28 janvier 1865, le capitaine Hurtel, commandat un détachement du 2e zouaves avait été chargé d'opérer contre les nombreuses bandes de dissidents qui sillonnent le disctrict montagneux de la Huasteca. Pour les atteindre, il fallait suivre un étroit sentier; perdu au fond d'une gorge profonde.
Mal renseigné sur les difficultés du chemin, le capitaine Hurtel s'engageau résolument dans la gorge ; mais à peine était il arrivé à la moitié du trajet, que des coups de feu partirent des hauteurs boisées en bordure, tuant le capitaine de Perthuis, le lieutenant Dromzée et le chirurgien aide major Mercadier
et blessant une vingtaine d'hommes au nombre desquels le capitaine de Courville et le lieutenant Chéraud.
En voyant tomber leurs chefs, les zouaves se ruèrent dans les bois à la poursuite de l'ennemi, les délogèrent de toutes les positions et lui firent subir des pertes considérables
."

Il avaient déjà illustré le livre d'or de leur régiment, le premier en étant blessé devant Sébastopol et en 1859 lors de la campagne du Maroc, le second durant le siège de Puebla.

   

Retour