De SAINT-ARNAUD Né le 20 août 1798 à Paris, décédé le 29 septembre 1854 en mer Noire à bord du Berthollet

Photo Pierson (Paris)
 

Saint-Arnaud est l'enfant terrible des maréchaux de Napoléon III. Avant de se stabiliser lors de sa carrière en Algérie, il a mené une vie de bohème digne des meilleurs romans d'aventure.
Pendant la terreur, sa mère, à l'époque fillette de quatorze ans, a sauvé la vie à Regnaud de Saint-Jean d'Angély, poursuivi par les policiers de Robespierre, en le cachant dans le jardin de ses parents (il s'agit ici du père du maréchal de Napoléon III). L'ancien député de la Convention, devenu secrétaire d'Etat sous le premier Empire, acquitte sa dette en obtenant une demi-bourse au lycée Napoléon à celui qui doit devenir le maréchal Saint-Arnaud. Plus tard il fait nommer le beau-père du jeune Leroy juge de paix du 12e arrondissement de Paris.

En 1814, le collégien du lycée Napoléon travaille aux fortifications de Paris et après la déchéance de Napoléon Ier s'engage dans la garde nationale à cheval de Paris. Il acquiert alors son surnom d'Achille et adopte le patronyme de Saint-Arnaud. Par les relations de son beau-père il parvient à entrer dans les gardes du corps du roi, compagnie Gramont.
Côtoyant alors des jeunes gens riches et d'origine brillante, Saint-Arnaud prend bien vite des goûts de luxe : il se ruine et fait de nombreuses dettes. Il démissionne et est mis en non-activité le 1er janvier 1817.

Après une longue période sans emploi durant laquelle sa famille sollicite un poste, il est finalement nommé sous-lieutenant au 3e bataillon des Bouches-du-Rhône. Il s'y brouille avec son commandant qu'il ose même provoquer en duel. Mis en non-activité sans solde, à 22 ans Saint-Arnaud se retrouve une deuxième fois évincé de l'armée. Oisif, désoeuvré, il s'engage en 1821, dans un régiment de volontaires qui partent en Grèce pour secouer le joug turc. Déçu par son aventure, il revient en France et se retrouve une fois de plus sur le pavé de Paris. Il mène une existence irrégulière et misérable avant de demander sa réintégration dans l'armée en 1827. Il est nommé alors au 49e d'infanterie à Vannes. Désigné pour partir à La Martinique, il démissionne et la vie d'aventures recommence.
C'est durant cette longue période instable de sa vie que Saint-Arnaud exerce des métiers de hasard. Paralnt quatre langues étrangères, il donne des cours de langues ; il enseigne l'escrime, la musique et joue la comédie. Il se fait entretenir par des femmes fortunées et vit en France, en Angleterre, en Espagne, en Italie et en Belgique.

Lors de l'expédition d'Alger, il demande à être réintégré mais on lui répond par une fin de non-recevoir. Il doit attendre 1831 pour enfin lancer sa carrière. En garnison à Brest, il y épouse la fille d'un capitaine de frégate en retraite, Laure Pasquier, dont il a deux enfants : Louise et Adolphe. Mais c'est surtout sa rencontre avec Bugeaud qui transforme Saint-Arnaud.
Lieutenant le 9 décembre 1831, Saint-Arnaud prend part à la répression des troubles en Vendée, en 1832 et devient officier d'ordonnance du général Bugeaud. A Blaye, il assure la garde de la duchesse de Berry dont il sait s'attirer l'estime.
Après avoir accompagné Bugeaud qui escorte la duchesse à Palerme après ses couches, Saint-Arnaud est en garnison à Bordeaux, Clermont-Ferrand, Belfort et Paris. En 1836, il revoit Bugeaud de retour d'Algérie. Il a un entretien avec lui et demande à passer en Afrique. Il est nommé au 1er bataillon de la Légion étrangère. Ayant perdu son épouse quelques mois plus tôt, il confie ses enfants en bas âge à son frère célibataire et avocat.
Saint-Arnaud sert en Afrique de 1836 à 1851 et revient à trois reprises en France, pour des séjours de quelques mois. C'est au cours du séjour de 1848 qu'il se remarie à Paris avec Louise de Trazegnies d'Ittre. Il a avec Bugeaud des relations privilégiées, qui sont presque des relations filiales.

En 1837, nouvellement promu capitaine, il se distingue au siège de Constantine et reçoit la croix de la Légion d'honneur. Le général Rullières note à son sujet : "officier distingué ; instruit et plein de bonne volonté ; sert bien et fait bien servir. Il a de l'avenir. A quelques dettes anciennes qu'il paye chaque mois."
L'année suivante le général Dampierre écrit à son tour : "officier distingué, beaucoup de moyens et d'intelligence ; des dettes anciennes qui proviennent plutôt de fausses spéculations que de dérangement de conduite ; instruit, caractère un peu violent."
Poursuivons donc ces notes d'inspection qui, émanant d'officiers différents, nous permettent de cerner la personnalité de Saint-Arnaud. En 1840, l'année où il est autorisé par ordonnance royale à s'appeler Leroy de Saint-Arnaud, le général Schramm indique : "officier ardent et brave militaire ; s'est distingué plusieurs fois, digne d'avancement."

En 1841, nommé chef de bataillon, il commande le 1er régiment de zouaves et en 1842 lieutenant-colonel du 53e régiment d'infanterie légère il est noté ainsi par le général Fabvier : "D'un physique grêle, mais nerveux et puissant, d'un caractère vif, mais bon ; peu propre aux fonctions de lieutenant-colonel d'un corps en garnison ; instruit, spirituel ; à son seul aspect on juge que sa vie a dû être agitée et peut-être pas toujours réglée... Il déploie un zèle et un tact incomparables et obtient des succès de tout genre. On ne peut mieux faire."
Il n'y a que Changarnier pour ne pas apprécier Saint-Arnaud et sa note d'inspection ressemble à un jugement du comportement civil de Saint-Arnaud et à une jalousie des rapports qu'il entretient avec Bugeaud : "... Il faut attendre qu'il ait acquis des idées plus justes sur les services qu'un honnête homme peut rendre et sur ceux qu'il doit savoir refuser à un chef à qui le lient de vieilles relations..."
C'est un rapport confidentiel de 1850, rédigé par le gouverneur général de l'Algérie, Charon, à la demande du ministère, qui nous dévoile tous les progrès de Saint-Arnaud et la stature militaire qu'il a acquise à cette époque :
"Officier général actif, énergique, connaissant bien tous les détails du service de l'infanterie et de la cavalerie, est brillant à la guerre ; le général de Saint-Arnaud aime beaucoup son métier, il a le coup d'oeil sûr et prompt, juge bien le terrain et tire très bon parti des troupes qu'il commande.
Il a une grande habitude de la guerre d'Afrique ; il l'a faite longtemps et en sous-ordre et à la tête de colonnes plus ou moins nombreuses. Il a souvent obtenu de beaux succès. On peut le charger avec toute confiance de diriger une opération militaire.
Il est homme d'entrain et sait faire aimer le commandement par des relations faciles et bienveillantes. Il fait bien servir, parce qu'il est ponctuel dans les devoirs qu'impose le commandement.
Cet officier général est fort intelligent, saisit rapidement, sait donner de l'impulsion au service, sans être homme de détail.
On a reproché au général de Saint-Arnaud de n'avoir pas apporté assez de bienveillance dans l'administration des tribus arabes. On a été plus qu'injuste envers cet officier général qui, ce que j'ignore, a pu pécher par ignorance, mais qui averti actuellement aurait la main assez ferme pour couper court aux abus.
Les relations du général de Saint-Arnaud avec les fonctionnaires civils s'établiront toujours facilement. Le général de Saint-Arnaud sera un de nos bons généraux divisionnaires
."

L'année suivante, Saint-Arnaud est nommé divisionnaire, ministre de la Guerre et mène de main de maître le coup d'Etat du 2 décembre 1851. Il acccumule dès lors les honneurs et a des rapports privilégiés avec Napoléon III. En 1852, il connaît la consécration suprême et est nommé maréchal de France.
Saint-Arnaud est un ministre travailleur, mais le goût de l'aventure ne l'a pas quitté et lorsque l'expédition d'Orient est décidée il en obtient le commandement. Il désire plus que tout justifier son maréchalat en commandant une armée au feu. Bien que sa santé soit déjà chancelante, l'Empereur lui accorde sa confiance. Il ne sera pas déçu : Saint-Arnaud remporte brillamment la victoire de l'Alma, le 20 septembre 1854. Pendant douze heures, son bâton de maréchal à la main, monté sur son beau cheval blanc appelé Nador, il dirige l'évolution des troupes et fait preuve d'un grand sens stratégique. Hélas, le maréchal ne peut donner toute la mesure de son talent. Miné depuis longtemps par une péricardite, i lcontracte également le choléra. Le 26 septembre, il remet le commandement à Canrobert, qui possède une lettre de service de l'Empereur, dans l'éventualité de la dégradation de la santé du commandant en chef.
Si la volonté de Saint-Arnaud lui a permis de diriger la bataille malgré des souffrances atroces, il est maintenant totalement à la dérive, ne pouvant plus lutter contre les maladies. Le 29 septembre 1854, il embarque à bord du Berthollet à dix heures du matin pour voguer vers Constantinople où il espère retrouver sa seconde épouse. Il meurt le même jour à quinze heures.
Saint-Arnaud était aimable, plein d'esprit et de finesse comme le démontre cette anecdote : à l'époque où il était officier d'ordonnance de Bugeaud, il écrivait un jour sous la dictée de ce dernier. Bugeaud venait de sa chambre à son bureau et Saint-Arnaud remarqua que lorsque son chef était dans sa chambre "il laissait entendre un vague son pareil à celui de la chanson des deux gendarmes." Puis il venait pousuivre sa dictée. "Monsieur le maréchal, lui dit Saint-Arnaud, si ça vous était égal de tirer le canon par ici, et d'aller sentir la poudre par là ?" Bugeaud apprécia ce bon mot et éclata de rire.
Grand seigneur par excellence, Saint-Arnaud avait une grande distinction de manière, était un gentleman distingué et selon Fleury, "aux vertus maîtresses de l'homme de guerre, à l'audace, au coup d'oeil, à la conception de chef d'armée, il joignait les qualités rares qui constituent l'homme d'Etat."

Auteur de souvenirs militaires

retour menu