Le 1e bataillon de mobiles de l'Indre

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 Historique 1870-1871

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Le 1er bataillon de mobiles de l'Indre est formé à Chateauroux début septembre 1870. Formé de 7 compagnies, il rejoint Paris le 9 septembre où il est armé et équipé. Il prend alors position à la garde des fortifications, sur les bastions 1 et 2. Le 19 septembre, il procède à l'élection de ses officiers qui sont pour la plupart confirmés dans leurs fonctions.

     

Armand d'Auvergne

Né le 5/12/1817, il fait l'école de Saint Cyr en 1836 et sert au 35e régiment de ligne. En 1854, promu Capitaine, il est affecté au régiment des voltigeurs de la Garde avec lequel il fait campagne en Crimée et en Italie et où il est fait chevalier de la Légion d'Honneur. Il a quitté le service comme Chef de bataillon du 38e RI, officier de la Légion d'Honneur.

Nommé à la tête du bataillon des Mobiles de l'Indre, il commande ce bataillon durant toute la guerre, même après sa promotion comme Lieutenant Colonel, le 6/11/1870, date à laquelle il ajoute à son commandement les bataillons du Puy de Dome et de l'Aisne.

L'historique du régiment indique "Encore alerte et vigoureux, il ne se fiait qu'à lui même pour les moindres détails, il visitait les tranchées la nuit comme le jour et quand il s'agissait de marcher, on le trouvait toujours en tête avec le plus grand entrain. Fidèle à ses habitudes militaires, il avait imposé à ses mobiles une discipline sévère à laquelle ils se pliaient d'autant mieux qu'ils avaient pour lui une extrème affection. Il le nommaient le grand père. Il était aussi surnommé "Pere la Houlette". En effet, dès son arrivée à Vitry, il avait trouvé un baton de jardin terminé par une petite pelle. Il l'avait habituellement à la main et s'en servait pour enlever la terre de ses bottes. Ses hommes rédigèrent le quatrain suivant

Sur l'ennemi, moblots, marchez, courez sans peur !
De votre colonel imitez la valeur
Quand il veut des Prussiens astiquer la toilette
Il n'emporte avec lui qu'une simple houlette"

Au retour à Paris ses officiers voulurent qu'il sa fasse photographier avec cet instrument, que l'on distingue donc sur la photo ci contre.

Il est mort le 2/2/1889.

Photographie Petit (Paris)


 Affecté à la garde de l'Hotel de ville du 21/09 au 19/11, le bataillon a l'occasion d'assiter aux troubles politiques qui secouent Paris, mais fermement prise en main par son commandant, la troupe reste sourde aux manifestations populaires.

En particulier, lors du soulèvement du 31 octobre, le bataillon est sollicité par le gouvernement provisoire pour défendre l'Hotel de ville contre l'émeute qui manque de peu de renverser Trochu et ses ministres. Dans la confusion, le bataillon doit défendre l'accès aux locaux du gouvernement :

"Les clameurs les plus inouïes retentirent: on distinguait les cris: A l'assassin! On vit s'élever dans la foule des fusils et des pistolets. On chercha de suite à enlever quelques gardes. Le caporal Albert et un mobile furent entraînés. Violemment pressé, le commandant d'Auvergne tire son sabre et s'écrie: En avant! On se jette sur lui, on le prend au collet, on veut lui enlever son sabre, on lui arrache ses décorations. il reçoit des coups sur la tête et sur la figure; le sang coule sur sa barbe blanche. Un insurgé d'une grande force de corps, sous prétexte de le faire sortir de la foule qui l'oppresse, passe derrière lui et le pousse pour le livrer à ses ennemis; mais l'adjudant Baudoin se cramponne à son chef et parvient à le retenir. D'un côté, ils sont poussés sous la voûte, de l'autre ils y sont tirés par les gardes qui veulent les secourir. Dans cette lutte, qui ne dura, du reste, qu'un instant, le commandant reçut plusieurs coups de revolvers, qui heureusement ne l'atteignirent pas.
Les capitaines Lejeune et Dufour, en apercevant cette scène, s'étaient précipités avec leurs hommes vers le commandant et l'avaient dégagé à coups de crosses. Mais le capitaine Lejeune, pris à son tour et terrassé par un flot d'émeutiers, avait disparu dans ce brouhaha et avait été entraîné au dehors.

Dès que le commandant d'Auvergne fut libre, il fit repousser vigoureusement la foule en dehors des grilles, et ordonna de refermer toutes les portes. Au moment où cet ordre s'exécutait, deux coups de feu furent tirés de la place. Quelques mobiles avaient chargé leurs fusils. Le commandant prescrivit au capitaine Lefebvrier de les faire décharger. Pendant qu'ils défendaient leur commandant, l'adjudant Baudoin et le capitaine Dufour eurent leurs sabres enlevés du fourreau. Dufour retrouva le sien, avec les décorations de M. d'Auvergne, derrière un pilier ; le sabre de l'adjudant ne fut pas retrouvé.

On vint dire au commandant que le capitaine Lejeune avait disparu. Sa compagnie demandait à aller le délivrer; mais ne sachant où il pouvait se trouver, M. d'Auvergne ne crut pas prudent de laisser pénétrer ses hommes au milieu de la foule. Après avoir ordonné de faire replacer les baïonnettes au canon, de se masser derrière la porte du milieu et d'attendre son retour, le commandant d'Auvergne monta, de nouveau, au Gouvernement. Il était plein de sang, sa tunique était déchirée, il n'avait plus ni croix ni képi. Il se présenta ainsi au général Trochu et lui dit: « Pendant que vous délibérez et que vous me laissez sans ordres, on nous attaque et l'on vient de tirer trois coups de feu sur moi. » Le général le prit par la main, chercha à le calmer, et descendit avec lui dans la cour. M. d'Auvergne lui fit part de la position défensive qu'il venait de prendre. Le général l'approuva, parcourut les rangs, et dit au commandant, en lui parlant des émeutiers : « Ils ont bien fait la besogne des Prussiens. » Puis il ordonna à M. d'Auvergne de rentrer avec son bataillon dans la caserne. Mais, cet ordre n'était pas encore exécuté que l'Hôtel-de-Ville, on ne sait comment, était encore une fois envahi. Il était près de quatre heures. Les officiers et les gardes étaient exténués de fatigue. Ils avaient pris les armes, dès le matin, sans avoir eu le temps de faire leur repas. Ils restèrent à attendre des ordres." (historique du bataillon - Dr Fauconneau Dufresne)

Durant la soirée, le gouvernement provisoire est pratiquement renversé. Il faut le concours de la troupe pour rétablir l'ordre durant la nuit. 

"Lorsque, vers quatre heures et demie, le commandant d'Auvergne rentra à la caserne avec son bataillon, il fut entouré du commandant de Legge et de ses officiers, à qui il raconta ce qui lui était arrivé. Tous étaient très-inquiets sur ce qui pouvait se passer et se doutaient bien que le Gouvernement devait se trouver dans une mauvaise position. Ils se demandaient s'il n'y avait pas lieu de faire une irruption dans l'Hôtel-de-Ville pour le délivrer, lorsqu'on vint leur annoncer que la Commune était proclamée. Alors le commandant d'Auvergne proposa au commandant de Legge et à tous les officiers de sortir le lendemain de Paris, ce qui fut chaudement accueilli. « Sur notre route, ajouta-t-il, nous prendrons, en passant, les bataillons bretons qui sont à l'Hôtel-Dieu et au Louvre, et nous sortirons par le boulevard d'Enfer. » Il s'occupa de suite de diverses dispositions. Dans cette pensée, il envoya le capitaine de Mauduit (du Finistère), neveu du général Le Flô, au ministère de la guerre, pour obtenir des ordres et dire à Mme.Le Flô que, si elle voulait venir au milieu de ses mobiles, elle y serait en sûreté. En même temps, il faisait demander encore, par le télégraphe, des ordres au général de Beaufort, son chef immédiat. Darnault, officier ami de M. de Legge, devait se mettre, de son côté, à la recherche du général Trochu. Outre les factionnaires de l'extérieur de la caserne, le commandant d'Auvergne en fit placer aux fenêtres pour observer si des bandes hostiles ne venaient pas l'attaquer. "

Quelques heures après ordre est reçu de reprendre l'Hotel de ville et de délivrer les membres du gouvernement provisoire prisonniers des insurgés.

"Le rappel battait de toutes parts. A minuit, le bataillon de l'Indre et celui du Finistère sortirent de la caserne pour former une seconde ligne derrière la garde nationale. Pendant que les bataillons prenaient leur emplacement derrière les gardes nationaux, les commandants d'Auvergne et de Legge, dans leur anxiété, avaient décidé de faire pénétrer dans l'Hôtel-de Ville, par le souterrain, deux compagnies du Finistère. Tous les hommes étaient parfaitement décidés à vaincre la résistance qu'ils prévoyaient. Ces Bretons, aussi religieux que braves, avaient reçu les dernières prières de leur aumônier. Mais le commandant de Legge, craignant que ses compagnies ne fussent compromises, pria M. d'Auvergne de les faire soutenir par deux des siennes. Le commandant d'Auvergne, malgré le colonel Chevriaux qui croyait la partie perdue, descendit dans le souterrain et se trouva bientôt en face des insurgés. Ceux-ci cherchèrent à parlementer et à l'attirer à eux. M. d'Auvergne s'avançait, mais le capitaine Lejeune, sachant par son expérience propre qu'on pouvait lui faire un mauvais parti, le retint vivement par l'épaule, en lui disant: Commandant, nous ne permettrons pas que vous vous éloigniez de nous. Les Bretons se mirent à charger les insurgés qui se retirèrent en toute hâte. A ce moment parut le général Le Flô. Il était avec les membres du gouvernement et il avait persuadé aux envahisseurs de le laisser aller parler aux mobiles, leur promettant de tout arranger. M. d'Auvergne courut à lui et lui dit: Ordonnez et tout va être bientôt chambardé! Mais le ministre de la guerre, sous l'impression de la position dangereuse dans laquelle il avait laissé les membres du Gouvernement, empêcha le commandant de se porter vers la salle où ils se trouvaient prisonniers, et lui ordonna seulement de déblayer la partie de l'Hôtel-de-Ville donnant sur la place Lobau. Pendant ce temps-là, le général Trochu passait devant les bataillons de la garde nationale par lesquels il était vivement acclamé.

On donna, enfin, l'ordre d'entrer dans l'Hôtel-de-Ville. M. d'Auvergne fit avancer les bataillons des mobiles de l'Indre et du Finistère. On se mit à faire la chasse aux insurgés, à enlever leurs barricades et à dégager les entrées. Dans le courant de cette opération, on avait vu des hommes armés se réfugier dans le petit poste de la salle Saint-Jean. Les commandants de Legge et d'Auvergne y entrèrent suivis d'un certain nombre de mobiles marchant en croisant la baïonnette. Ces hommes rendirent immédiatement les armes en disant qu'ils étaient employés de l'octroi. Mais on leur fit observer qu'au lieu de se cacher, ils auraient dû se joindre aux bonnes troupes, et que, en agissant ainsi, ils n'auraient pas couru le danger qui venait de les menacer. Ceci fait, les mobiles se portèrent à l'entrée de la salle Saint-Jean qui était remplie d'insurgés. Ils s'avancèrent la baïonnette en avant. Les insurgés reculèrent au fond de la salle. Le commandant d'Auvergne leur cria: Bas les armes, ou vous êtes morts! Tous rendirent les armes et passèrent un à un au milieu des gardes. Sur l'ordre que leur en donna le commandant d'Auvergne, ils mirent le képi à la main. Le commandant traitait avec sévérité ceux qui semblaient vouloir montrer de l'insolence. Pendant ce temps, le commandant de Legge, avec cinq hommes seulement, désarmait une cinquantaine d'insurgés massés dans le fond des cuisines. Ce désarmement opéré, les mobiles se portèrent dans la cour du Nord. Elle était aussi remplie d'insurgés. M. d'Auvergne les fit encore charger et leur tint le même langage qu'à ceux de la salle Saint-Jean. La plupart jetèrent leurs armes. Un bon nombre put prendre la fuite. M. d'Auvergne rencontra, alors, Etienne Arago et d'autres membres du Gouvernement. « Maintenant qu'il n'y a plus de danger pour votre vie, leur dit-il, laissez-nous faire. Vous le voyez, ajouta-t-il, nous ne sommes pas républicains et nous vous avons défendus. » - «Ah! vousêtes de braves gens, répliqua le maire. » Ces messieurs, cependant, paraissaient fort inquiets. Ils prièrent le commandant d'éviter de compromettre la situation et de ne pas déranger une transaction qui venait de s'accomplir.

Les bataillons de l'Indre et du Finistère:, secondés par les compagnies du 106e bataillon des gardes nationales, n'en continuèrent pas moins à désarmer les insurgés et à en vider l'Hôtel-de-Ville. Ils avaient renfermé beaucoup de prisonniers dans le souterrain. Bientôt ils apprirent qu'ils avaient été relâchés par ordre de Jules Ferry. Vers six heures du matin, l'adjudant Baudoin, ayant voulu s'assurer de l'heure à l'horloge de l'Hôtel-de-Ville, s'aperçut qu'on avait remplacé le drapeau tricolore par un drapeau rouge surmonté du bonnet phrygien. Aidé du lieutenant Ponroy et du chef des cuisines, il s'empara du drapeau rouge et Ponroy prit le bonnet phrygien. Ces deux trophées sont en la -possession du commandant d'Auvergne qui compte les déposer au musée du département."


Pierre Lejeune

Né le 10/1/1842 à Paris.

Lors de la mobilisation du bataillon, il est nommé Capitaine, commandant la première compagnie. Son grade est confirmé après les éléctions des officiers.

Lejeune a une première affaire le 31/10/1870 à l'Hotel de Ville, lorsque sa compagnie contribue à la défense de l'Hotel de Ville et du Gouvernement Provisoire contre l'émeute populaire. Dans la confusion, il est fait prisonnier par la foule et manque de peu de périr :

"Le capitaine Lejeune rentra le soir à la caserne et put y raconter son aventure. On avait mis ses habits en pièces. Son sabre et son ceinturon lui avaient été arrachés. On avait tiré sur lui, sans le blesser, deux coups de pistolet. Des menaces de mort lui avaient été faites. On avait voulu le fusiller sur l'heure. M. Lejeune, ne perdant pas sa présence d'esprit, observait tout ce qui se passait autour de lui, dans l'espoir de trouver l'occasion de se sauver. Des personnes se mêlèrent aux malfaiteurs qui voulaient sa mort et demandèrent des explications. Il survint un conflit qui lui permit de s'échapper et de gagner la grille de l'Hôtel-de-Ville. Les gardes nationaux qui occupaient le poste refusaient d'ouvrir cette grille. M. Lejeune l'escalada et se réfugia malgré eux dans le poste. Les hommes, craignant de se compromettre, n'osaient ni le retenir ni le reconduire, sous leur sauvegarde, vers son bataillon. Il fut tiré d'affaire par le docteur Chabenat, chirurgien des mobiles de l'Indre, et par M. Lemaire, employé de l'Hôtel-de-Ville. Ces messieurs, dans la pensée qu'il était blessé le cherchaientpartout et l'avaient découvert dans le poste. Ils lui mirent sur le dos la capote d'un infirmier qui les avait accompagnés et ils le ramenèrent à la caserne. Son retour fut un sujet de grande joie pour le commandant, les officiers et tout le bataillon." (Historique du bataillon)

Le 6/11/1870, à la promotion du commandant d'Auvergne, Lejeune est promu Chef du bataillon. Il le conduite lors de l'attaque de la Maison Blanche le 30/11/1870 et reçoit la croix de la Légion d'Honneur le 18/12/1870 pour son action ce jour. "A bravement conduit sa troupe à l'attaque de la maison crénelée de la route de Choisy." 

Photo Petit (Paris)

    


 Après ces événements tragiques, le bataillon est envoyé en ligne. Il rejoint alors les tranchées de première ligne le 27 novembre, devant Choisy. Le lendemain, 30 novembre, a lieu l'affaire la plus importante de la campagne pour les mobiles de l'Indre. Le bataillon participe en effet aux attaques de diversion de l'offensive sur la Marne, vers Créteil.

"Les bataillons avaient repris les armes de très bonne heure. Celui de l'Indre s'était mis cette fois en bataille dans la grande rue de Vitry, appuyant à droite sur la barricade. Le feu avait recommencé sur toute la ligne. De temps en temps de fortes détonations d'artillerie ébranlaient l'air et une vive fusillade se faisait entendre. On ne tarda pas à voir la division Susbielle déboucher de Créteil. Elle formait la droite de la ligne d'attaque. Sa marche fut lente d'abord pour conformer son mouvement à celui des troupes qu'elle avait à sa gauche. On l'apercevait- s'avancer par échelons, prendre chaque mamelon l'un après l'autre, déployer ses colonnes d'attaque, placer ses batteries, puis s'élancer sur Montmély, au milieu d'une canonnade et d'une fusillade des plus nourries. [...] Peu après, la canonnade et la fusillade recommencèrent avec une violence extrême. C'était un retour offensif des Prussiens sur la division Susbielle, qui, malgré ses efforts, fut obligée de céder le terrain et de battre en retraite. Les bataillons de marche de la garde nationale de Belleville, qui se trouvaient à Créteil, ayant refusé de soutenir la retraite, le général Vinoy se décida à faire un mouvement sur Choisy pour arrêter la marche des Prussiens et les empêcher d'accabler la division Susbielle. Toutes les troupes devant participer à ce mouvement, vers une heure de l'après-midi, le lieutenant-colonel d'Auvergne reçut de l'officier d'ordonnance du colonel Champion l'ordre d'attaquer.

En avant de Choisy, deux maisons, sous le nom de Maison-Blanche, et l'une au bout de l'autre, étaient situées sur la gauche de la route de Vitry à Choisy. Les Prussiens s'y étaient retranchés et les avaient crénelées de tous côtés. Il en était de même des cours et jardins qui étaient en arrière de ces maisons. Au delà et à gauche, le cimetière de Choisy avait aussi ses murs crénelés sur toutes les faces. Sur le côté gauche de la route, et dans une grande étendue, l'ennemi avait répandu des branchages retenus par des fils de fer attachés à des piquets. Sur son côté droit, le coteau commençait, et tout en haut se trouvaient deux petites maisons où les Prussiens avaient des groupes d'hommes. Sur le côté gauche, vers la Gare-aux-Boeufs, il y en avait encore dans des tranchées. C'est de cette position qu'il s'agissait de s'emparer.

Ce fut le bataillon de l'Indre à qui cette dangereuse opération fut confiée. Celui du Puy-de-Dôme fut placé dans les tranchées pour le soutenir au besoin. Les soldats de l'infanterie de marine durent reprendre la Gare-aux-Boeufs. M.d'Auvergne avait fait appeler immédiatement Desjeux, capitaine de la première compagnie, et le lieutenant Pingault qui commandait la deuxième. Il leur donna ses instructions pour l'attaque. Desjeux devait entrer dans la tranchée à droite de la route, la franchir avec sa première section en tirailleurs, se faire soutenir par la seconde section, balayer tout le coteau qui dominait la route à droite et se porter sur la Maison-Blanche. Pingault devait sauter la barricade dite du Fumier à gauche, marcher aussi en tirailleurs sur la maison, en se faisant soutenir, à petite distance, par sa deuxième section. Le restant du bataillon devait soutenir ces deux attaques et se porter en réserve sur un pâté de maisons qui était sur la route à droite. Cette manière de procéder était conforme aux règles militaires. Mais l'amiral Pothuau jugea les choses autrement. Il crut qu'il fallait montrer beaucoup de troupes aux Prussiens pour leur faire croire à une forte attaque sur Choisy et les y retenir. Il ordonna, en conséquence, de porter le bataillon de l'Indre en colonne sur la Maison-Blanche.

Le bataillon allait commencer son mouvement, quand arriva l'ordre transmis par le colonel Champion. M. d'Auvergne en fut vivement contrarié, car attaquer en colonne sans se faire protéger en avant et sur les flancs par des tirailleurs, rendait le feu des Prussiens, établis sur le coteau de droite, très-dangereux pour le bataillon. Il fallait obéir. Le bataillon sortit par la barricade, défila par le flanc, se forma par peloton en ligne, marcha en colonne pendant quelque temps, puis se déploya vers sa gauche, et s'avança ainsi, malgré les obstacles de toute nature et sous un feu des mieux nourris, vers la Maison-Blanche et la barricade qui fermait l'entrée de Choisy. Le colonel d'Auvergne était resté un instant en arrière pour surveiller les mouvements de son bataillon, mais bientôt il avait repris la tête de la colonne et marchait résolument. Il avait avec lui le colonel Champion, le commandant Lejeune et l'adjudant-major de Curel.

On arriva ainsi à la Maison-Blanche. M. d'Auvergne franchit la barricade de Choisy avec la première compagnie, ayant à sa droite son capitaine. On enfonça de suite la porte de la première maison donnant sur la route. Il y avait un escalier en face, deux petites chambres à droite et à gauche; plus loin une porte conduisant au jardin. En entrant, le colonel d'Auvergne cria: « Tuez-.les tous!» Se reprenant bientôt, il dit: « Non, ce sont des soldats comme nous, faites-les prisonniers. » Mais les hommes s'étant vivement répandus dans la maison n'y trouvèrent pas de Prussiens. Ceuxci s'étaient retirés dans le cimetière et avec tant de précipitation que plusieurs avaient laissé leurs casques. Dans la chambre de gauche était un créneau. M. d'Auvergne le fit agrandir pour faire entrer ses mobiles qui étaient contre le pignon, et qui, en passant par la route, auraient été exposés au feu de l'ennemi qui la balayait de ses projectiles. Le colonel d'Auvergne prit immédiatement toutes les mesures possibles pour se maintenir dans la position. Il fit pratiquer des créneaux du côté de l'ennemi pour répondre à son. feu, il fit barricader les ouvertures trop dangereuses et creuser dans le mur une autre sortie pour faciliter au besoin la retraite. Les Prussiens étaient en forces considérables à Choisy. Abrités derrière les murs crénelés des maisons et du cimetière, ils criblaient de balles les maisons occupées par le bataillon. Une batterie de campagne établie à Thiais envoya sur le bataillon cinq ou six obus qui éclatèrent en arrière de la Maison-Blanche sans atteindre personne. Un poste prussien, placé dans une maison à mi-côte et à la droite de la route, faisait de haut en bas un feu continu et blessa plusieurs hommes qui n'avaient pu s'abriter dans les maisons.

Cependant nos tirailleurs, échelonnés le long de la route, protégés derrière des arbres, tenaient l'ennemi en respect et lui faisaient également des victimes. Néanmoins, la position était critique. Nous étions atteints par des feux croisés qui partaient de trois points: à la droite, du poste prussien établi à mi-côte; -en face, des premières maisons de Choisy, qui nous dominaient, et, à gauche, du mur crénelé du cimetière qui nous accablait d'une véritable pluie de balles.

Déjà le lieutenant Boucheron, de la septième compagnie, avait été gravement atteint en arrivant à la tête de sa section. Le sous-lieutenant Bernardeau avait également reçu une blessure mortelle au moment où il parvenait au mur de la Maison-Blanche. Plusieurs gardes avaient été tués roides. Un assez grand nombre avaient été blessés.

Mais, l'ordre était formel, on devait quand même tenir bon jusqu'à la nuit: pas un homme ne recula. A cinq heures, l'aide-de-camp du colonel Champion apporta l'ordre de battre en retraite, et de la conformer à celle des marins qui étaient à la Gare-aux-Boeufs. M. d'Auvergne chargea le capitaine Hérault de la protéger, en occupant l'ennemi jusqu'à six heures par une fusillade continue. Les officiers Hérault, Nuret et Grenouillet firent sortir tous les hommes des maisons et furent les derniers à se retirer.

La fusillade continuait encore lorsque l'infirmier Laisné arriva avec un brancardier. Nuret l'appela, et aidé du caporal David, il courut relever Bernardeau. Entraîné par le capitaine Hérault, il revint à la barricade mais bientôt, déposant son sabre, il retourna, avec un prêtre, sur le champ de bataille qu'il parcourut en tous sens, suivi de l'infirmier Lepeintre. Il reconnut trois cadavres, et revint définitivement à Vitry, après avoir fait réunir un certain nombre de chassepots. Le docteur Chabenat ne tarda pas à arriver de son côté, accompagné d'aumôniers et de brancardiers. Il déployait le drapeau des ambulances, pour relever en sûreté les blessés et les morts qu'il fit emporter immédiatement. Il s'occupait d'un autre cadavre, celui de Malou, soldat de la sixième compagnie, qui était étendu près de la Maison-Blanche, lorsqu'il fut entouré par les Prussiens qui s'emparèrent de lui et de ses infirmiers.


Dr Chabénat, médecin du bataillon
Photo Janicot (Paris)

Il fut interrogé par un officier qui parlait un peu le français, et qui, en vertu de la Convention de Genève, lui permit de rentrer dans ses lignes; mais on ne voulut pas le laisser revenir pour emporter le corps de Malou. Les chassepots, que Nuret avait fait réunir en tas, ne purent être rapportés.

Dans cette affaire, le bataillon eut quarante hommes mis hors de combat, dont quatre tués. Il reçut pour cette journée 6 croix de la Légion d'Honneur et 16 médaille militaires" (Historique du bataillon)

Quatre des six décorés de la journée de la Maison Blanche

Charles Edmond Marie de Curel, adjudant-major
Né le 4/4/1844 à Gap. Mort le 12/7/1902.

Paul Albert Gustave Desjeux capitaine de la première compagnie
Né le 29/6/1841 à Neuffontaines (Nièvre).
Mort le 8/11/1880

Ferdinand Chertier capitaine de la sixième compagnie
Né le 9/3/1843 à Bourges
Mort le 22/2/1914

Henri Boucheron, Lieutenant de la septième compagnie
Blessé mortellement lors de l'attaque de la Maison Blanche
d'une balle qui lui traverse la montre et pénêtre au côté gauche de la hanche.

Après cette sanglante affaire, la bataillon est de service de tranchée à Vitry jusqu'en janvier 1871, position où il se trouve lors de la déclaration d'armistice. Le bataillon rentre donc à Paris et doit livrer ses armes.

Ayant reçu l'ordre de rentrer dans l'Indre le 15 mars, la bataillon rejoint Chateauroux le 20 mars après avoir fait le trajet à pied jusqu'à Orléans. Le 22 mars les hommes sont démobilisés.

Une dernière réunion aura lieu le 10/4 à Issoudun lors d'un service religieux célébré en la mémoire des hommes morts.

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